La becquée

Kim Warp, The New Yorker – Luc Térios


Septembre, c’est la rentrée étudiante. Il est dans l’ordre des choses que les parents élèvent leur progéniture. Eduquer, c’est entre autres préparer ses petits à se débrouiller seuls. Si, chez les animaux cela se passe généralement bien car les bêtes ne s’encombrent pas trop d’affect – on mange ou on est mangé – par contre certains humains couvent leurs enfants trop longtemps, ou au contraire les chassent trop tôt du nid. Comment construire le chemin permettant au jeune de forger plus sereinement son indépendance, sachant que chaque situation est particulière, question de circonstances, de milieu, d’environnement, de personnalités, de dynamique familiale ? Si le phénomène Tanguy est favorisé par des conditions économiques peu engageantes, certains jeunes favorisés ont vite compris l’intérêt qu’ils peuvent tirer à se comporter en parasites de leurs parents, et si l’on parle parfois d’enfants abusés, il est moins courant de rendre compte des parents abusés. Et pourtant… unnamedLe jeune oiseau dessiné par Kim Warp (une femme) n’est plus un juvénile, il a atteint sa taille adulte, frétille violemment du corps et en impose par sa gesticulation. La nourriture est abondante. « Me nourrir moi-même ? Je pensais que tu allais me mâcher la nourriture jusqu’à ce que j’obtienne mon diplôme au collège ! ». Ceci signifie beaucoup plus que la becquée, car on devine qu’il en va ainsi pour chacun des aspects de leurs relations. En face, on note le désarroi du parent, bec cloué. Le morveux revendique le droit d’être servi comme un tout petit, l’écornifleur de ne pas se prendre en charge, le grand dadais de muter d’un seul coup – plus tard – de l’enfance vers l’âge adulte. Quand Jean de la Fontaine souhaite entretenir de la vanité, il imagine
Le corbeau et le renard. Animal Farm de George Orwell est une réflexion sur les dérives du pouvoir sous prétexte d’animaux domestiques. Le processus est des plus anciens, et parmi les plus classiques, pour évoquer la nature humaine l’auteur replace la situation dans le contexte du monde animal. Cette manière de faire, la personnification, permet de disserter de choses graves, avec humour, car il est plus drôle de prêter des pensées humaines à des bêtes plutôt que mettre des âneries dans la bouche d’un étudiant qui est l’avenir de la société, et, probablement, bientôt parent à son tour.