Onirisme, psychédélisme,
Sandro COCCO un créateur étonnant
Sandro COCCO est un créateur atypique travaillant de nombreuse techniques qui servent à merveille des scénarios bien ficelés et un humour très particulier… Découverte!
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Peux-tu nous expliquer ton parcours qui est assez original? Et le pourquoi de ton installation à Rochefort?
J’ai étudié peinture aux Beaux-arts à la Karel de Grote Hogeschool à Anvers (1994-1998). Pendant ces études j’explorais à côté des matériaux classiques comme
l’aquarelle et la peinture à l’huile avec des autres médias comme gravure, sculpture, installation, vidéo et à la fin photomontage analogue et numérique qui sont mes premières essaies de narration. Après avoir étudié les thèmes classiques comme le nu, la nature morte et le paysage d’après observation, je voulais être plus proche de la forme alors j’arrêtais à regarder mon papier de dessin sur laquelle je dessinais. J’ai commencé dessiner qu’en regardant le modèle devant moi. Mais le dessin à l’aveugle d’après nature ne me suffisait plus à un certain moment. Je continuais à être intéressé à la forme, mais en laissant l’observation d’après la nature de côté et voir quelles formes allaient se produire de moi-même.
Alors, j’évoluais vers l’écriture automatique. Pendant les cours de théorie, je commençais à gribouiller comme beaucoup de gens font en téléphonant. Ces gribouilles sont devenus des dessins amorphes: des formes sans forme particulière. Pour certains ils ressemblaient à des nuages, des îles, d’autres voyaient des animaux dedans, des visages… Premièrement, des dessins au bistre puis pour devenir l’objet d’une installation en les peignant à la peinture à l’huile sur les mûrs de mon atelier à l’école et ensuite pour devenir des sculptures en plâtre. Mon étude de forme se termine en créant des amorphes en symétrie… Après avoir été fasciné un bout d’un moment par le monde de l’installation j’ai appris que construire des installations laborieuses dans la réalité avec de la matière n’était pas pour moi. Après quelques projets plutôt conceptuels comme mes surpeintures: une toile que je continuais à surpeindre en prenant des diapositives de chaque étape, je suis arrivé à me vouloir exprimer uniquement avec des concepts immatériels dans mon livre d’esquisses. En voulant savoir visualiser mes idées que j’avais noté dans mon cahier, je suis arrivé à la construction des photomontages à l’aide de la photographie numérique. C’était revenir au moment que j’avais 14 ans et que mon copain de classe me montrait son ordinateur Amiga dont sur lequel il y avait un premier logiciel pour éditer des photos. Disons que c’était un prédécesseur préhistorique de Photoshop comme on le connaît aujourd’hui avec toutes ces fonctions inutiles, superflues. Mais avec ce logiciel je pouvais utiliser les deux fonctions que j’utilise le plus à présent: copier et coller. Mon prochain objet d’étude était donc chercher une façon comment visualiser mes idées. Je commence alors à construire des photomontages afin de visualiser mes idées à l’aide des personnages qui montrent une ou plusieurs actions dans une pièce: mon atelier, mon studio, la salle de bain. Parce que mes compagnons de classe étaient tous occupés avec leurs propres projets, je ne pouvais pas les déranger pour visualiser des poses. Je commençais alors à utiliser moi-même comme modèle. Mes premières tentatives de narration commencent à se voir. Mais en 1998 pour mon professeur de peinture, la narration était tabou. Donc avec mon projet de fin d’études, une vingtaine de photomontages, je réussis à peine mes études avec une note juste suffisante. Après mes études je me concentre à créer des photomontages en toute liberté avec des photos analogues et numériques (1998-2001). Après une expérience de travail dans le musée d’art contemporain (S.M.A.K.) comme gardien en 1999, je décide d’étudier la BD à Sint-Lucas à Gand (2001-2003). Cette méthode de photomontages avec laquelle j’ai fini mes études de peinture, c’était tout à fait logique pour moi que j’allais l’utiliser pour faire de la BD. Le Peintre est ma toute première planche de BD avec cette méthode. Ce style de dessin est à base de calque de photomontages. Ce sont des photos que je prends moi-même. Je me sens confortable avec ce style de dessin parce que le plus important pour moi est de pouvoir visualiser mes idées. Je trouve que la réalité qui m’entoure est plein de forme est de couleur et cela me suffit largement pour raconter une histoire. Le Carton à dessin est fait entièrement dans mon salon. J’ai utilisé ma femme et moi-même comme modèle. C’est la première fois que j’ai utilisé une tablette graphique Wacom. Mon album L’autre Côté était encore dessiné entièrement avec la souris. Après mes études de BD, je me consacrais à écrire dans mon journal, écrire des histoires courtes et la création des dessins des chambres imaginaires à l’encre de chine et aquarelle. Pour moi, ce sont des visualisations d’idées qui peuvent être réalisées comme des installations. Pendant que je travaillais comme bibliothécaire, je reviens à la BD. En 2008 j’envoyais mon manuscrit L’Autre Côté à quelques maisons d’édition. Quand je visitais un festival de BD à Arlon, je rencontrais, par hasard, Anick Lillienthal qui était immédiatement d’accord pour éditer mon projet. L’Autre Côté, histoire d’une psychose est publié en juillet 2013 chez Le Moule à Gaufres à Nancy. Depuis ce moment je prends de nouveau aux sérieux la possibilité de faire de la BD comme mon métier. Je commence à traduire L’Autre Côté en anglais depuis la version originale en néerlandais, ma langue maternelle. Puis en allemand, en italien et ma femme à fait la traduction en japonais. Ce moment j’ai repris mon premier projet La Visite pour en faire un album cette fois-ci.
Par rapport à mon installation à Rochefort. Mes parents parlaient français et italien à la maison. Pendant mes études secondaires j’ai étudié les langues: néerlandais, français, anglais et allemand. Quand j’habitais à Renaix, une ville à facilités linguistiques je me suis commencé à m’exprimer en français grâce à quelques copains francophones. En 2006 je vends ma maison et j’essaie d’habiter en Sardaigne. Après quelques mois je retourne en Belgique. Ma décision d’aller habiter à Rochefort n’était plus difficile. J’ai visité les Ardennes plusieurs fois quand j’étais enfant et l’omniprésence de la nature m’a beaucoup plu.
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Tu vis une expérience artistique double puisque ton épouse elle aussi est artiste, qu'est-ce que ce partage et les confrontations quotidiennes de vos créativités vous apportent sur le plan artistique?
J’ai rencontré ma femme Kanako Higa à Anvers en 1996 quand j’étais dans ma deuxième année de peinture. Elle est japonaise. Après ses études de peinture aux Beaux-arts à Okinawa, elle étudiait un an la gravure au Karel de Grote Hogeschool à Anvers. Après elle, retourne au Japon pour payer ses études et commencer une carrière d’artiste. Après quelques années elle commence à enseigner la gravure à l’université des Beaux-Arts à Okinawa. Après 12 ans nous nous rencontrons de nouveau. Après des années de travaux à la maison et élever les enfants jusqu’à l’âge qu’ils commencent aller à l’école nous commençons à avoir du temps pour nous-mêmes et exposer. D’abord dans le centre culturel de Rochefort et de Dinant, l’académie de Huy et pour l’instant à Namur. Nous ne nous trouvons pas toujours dans notre travail artistique parce que nos oeuvres et visions sont assez différentes. Mais j’espère qu’on peut travailler ensemble à des projets dans le futur comme des BD ou des livres d’enfants. Dans l’histoire courte Le Carton à dessin c’est la première fois que j’ai utilisé ma femme comme personnage.
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Tu as édité une BD, L'autre côté qui aborde un sujet difficile, la psychose de ton frère, qu'est-ce que ce projet représente pour toi? Comment s'inscrit-il dans tes réalisations habituelles?
Tout a commencé avec un pari entre moi et mon prof Ferry, auteur de Chroniques de Pancrysia et Ian Kaledine et président actuel du Centre de la BD à Bruxelles. La première chose qu’il me disait est qu’il faut savoir dessiner pour faire de la BD. Je ne suis pas d’accord avec ça. Je suis convainçu que c’est parfaitement possible de faire une BD sans être un virtuose en dessin. Je lui ai prouvé avec la publication de mon album L’Autre Côté. C’est fait entièrement avec des photos que j’ai calquées. Ce projet est très important pour moi parce que c’est la première fois que je pouvais visualiser une idée, une histoire sans utiliser de la matière. Il n’y a aucun trait de crayon ou encre sur papier. Ce qu’on voit est entièrement dessiné avec des pixels. J’espère pouvoir apporter un outil pour tout le monde qui aimerait faire de la BD, mais qui n’ose pas parce qu’il croit qu’il ne sait pas dessiner. Quand mon frère Pasqualino me confiait sa psychose, j’étais impressionné du côté poétique de son expérience. Cela me parlait tellement que je voulais la raconter. Quand j’avais réalisé la BD et lui ai montré, j’espérais que cela pouvait lui peut-être aider de prendre de recul de son expérience. Maintenant mon frère sait tenir l’album en français dans ses mains, mais j’espère un jour le pouvoir publier en néerlandais qu’il peut le lire dans notre langue maternelle.
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Qu'elles sont tes projets actuels? Comment vois-tu ton avenir dans le monde de la BD?
Pour l’instant j’ai le synopsis, le story-board, la couverture, les trois premières planches et une page qui présente les personnages pour mon prochain album La Visite. Je refuse de continuer à dessiner parce que je ne veux pas être dans la même situation comme avec mes deux autres albums Le Pick-Up et Une BD sur une BD. L’Autre Côté j’ai créé en 2002 et ce n’est que publié en 2013. J’espère trouver un éditeur un jour qui croit en moi et qui veut me rémunérer pour mon travail. Je n’ai pas besoin de beaucoup. Le même montant que le RIS m’est suffisant dont je vis pour l’instant. Le 19 janvier mon petit frère s’est suicidé. Cela me choque encore chaque jour et je cherche comment m’exprimer autour de cela. Ma mère était schizophrène et a vécu 30 ans dans une psychiatrie. J’ai un frère otaku et moi j’étais hikikomori. Mes études de peinture étaient une expérience surréaliste. Ce sont tout des choses qui me tiennent à coeur et ce sont sûrement des sujets qui vont apparaître dans mes prochains BD. J’espère de pouvoir démarrer dans le monde de la BD et l’illustration. En 2016 j’ai obtenu mon Certificat d’Aptitude Pédagogique et un jour j’espère de pouvoir passer mes connaissances en matière de dessin, peinture, photographie numérique ou BD…