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WANWINE : Le neko du thé

Interview Angela Verdejo

 

64_page : Aujourd’hui, 64_page rencontre l’auteure de Le neko du thé qui paraîtra pour les dix ans de notre revue, au mois de septembre. Mais qui donc est l’auteure de cette belle BD ?

Wanwine

Wanwine : Je m’appelle Sandrine et je suis graphiste et illustratrice. Sur les réseaux sociaux, vous pouvez me retrouver sous le pseudo Wanwine illustration. Mon parcours commence vers mes 10 ans où j’ai commencé des cours de bande dessinée et illustration avec Manuel Tenret. Plus âgée, j’ai suivi ses cours du soir en promotion sociale. En 2019, je suis entrée à la Haute Ecole Albert Jacquard dans l’option animation et illustration 2D sous la bienveillance de Madame Coopman. J’ai, ensuite, commencé les cours à l’Académie des Beaux-Arts de Châtelet en 2024 pour continuer à me former avec Monsieur Philippe Cenci. Je suis graphiste en freelance et illustratrice la plupart du temps.

64_page : Et c’est la thématique du Japon qui t’a poussé à nous envoyer ta BD ?

Wanwine : Le Japon, et surtout les mangas, ont et sont une grande inspiration pour mon travail. J’ai commencé à dessiner en reproduisant les dessins de Mermaid Melody Pichi Pichi Pitch, Kilari ou encore Sakura chasseuse de cartes. En grandissant, je n’ai pas perdu mon intérêt pour les mangas, je me suis, cependant, concentrée sur le pays les produisant. J’ai, dès lors, développé un grand intérêt pour cette riche culture et ses codes. C’est en essayant de les comprendre que j’ai acquis un autre degré de compréhension dans ma lecture de leurs livres ou même de leurs mangas ainsi que dans le visionnage de leurs animés. Petit à petit, je me suis éloignée du style graphique puis, prise dans ma vie professionnelle et mes études, je l’ai perdu de vue. L’appel de 64_page sur le thème « Soleil rouge » a fait remonter tous ces souvenirs et m’a poussée à participer par nostalgie.

© Wanwine : Le neko du thé

 

64_page : Et tu connaissais déjà notre revue ?

Wanwine : Je connais 64_page depuis mon inscription à l’académie des Beaux-Arts. Philippe Cenci m’a proposé de tenter ma chance sur le numéro « Oiseaux ». J’avoue que j’avais un peu perdu foi en ma capacité à produire des planches de BD. Ce fut une belle expérience et j’ai voulu retenter ma chance. Je trouve que c’est une chouette revue qui donne de la visibilité aux auteurs qui n’ont pas encore été publiés. Si je l’avais connue à ma sortie d’école, j’aurais participé directement. Avoir une date de sortie permet de vouloir réaliser un projet concret qui peut nourrir nos portfolios. C’est aussi l’occasion de montrer son travail et l’exposer aux critiques constructives pour progresser. C’est une belle vitrine à montrer à de futurs clients.

64_page : 64_page veut offrir cet espace de publication que tu évoques si bien aux jeunes auteur.e.s en herbe et, dans ce sens, tes paroles nous honorent tout particulièrement, merci ! Nous essayons également de choisir des sujets qui conviennent à chacun.e mais qui, en même temps, laissent libre champ au choix du scénario, comment en es-tu venue au tien ?  

Wanwine :  La thématique me vient d’un souvenir. J’avais été avec ma grand-mère au musée Royal de Mariemont qui organisait une cérémonie du thé ainsi qu’une exposition sur la céramique du Japon. Ma grand-mère avait un chat dynamique et farceur, Pirouette. Il était très joueur. Mon scénario vient d’un lien entre ces deux souvenirs. Pour ce qui est de l’idée du yōkai, ça me vient de mon intérêt pour le Japon quand j’étais adolescente. J’avais découvert ces esprits à travers le film  » Le voyage de Chihiro » et les autres œuvres du studio Ghibli. Plus tard, j’ai assisté à la pièce « Yōkai! » au palais des Beaux-Arts de Charleroi. Mon scénario parle d’une japonaise qui commence la cérémonie du thé avec comme partenaire son chat. Il reprend l’idée de la tradition que j’avais découverte avec ma grand-mère et les farces de Pirouette qui peuvent, au Japon, être attribuées aux yōkai.

64_page : Des yōkai?

Wanwine :  Les yōkai sont des créatures surnaturelles ou esprits du folklore japonais. Ce qui est bien avec ces créatures/ esprits, c’est que chacun d’entre eux a sa propre histoire. On pourrait parler des heures de ces légendes tantôt tristes, tantôt effrayantes ou bien encore parfois drôles. Je vais laisser le soin aux lecteurs de creuser ce folklore car ils pourront découvrir de belles histoires s’ils sont curieux.

64_page : Et les Bakeneko ?

Wanwine : En ce qui concerne le Bakeneko, c’est un yōkai qui a l’apparence d’un chat avec une longue queue. Elle lui sert à garder l’équilibre lorsqu’il marche sur deux pattes. Un chat transformé en Bakeneko peut tuer son maître dans certains cas pour contrôler la maisonnée. Pour devenir ce yōkai, le chat doit avoir une longue queue et au moins 13 ans à sa « mort » ou bien le devenir en étant mort par mauvais traitement quel que soit son âge. Je l’évoque dans mes planches car notre protagoniste ayant fait une bêtise (qui n’est sûrement pas la dernière), pourrait bien en devenir un par son caractère « farceur » sur le long terme. Il est encore jeune donc je laisse le soin aux lecteurs d’imaginer le reste de sa vie.

64_page : Et pour la ou les techniques utilisées, comment as-tu procédé ?

Wanwine : Pour la technique, j’ai réalisé mon découpage dans mon carnet de croquis puis j’ai tout finalisé en digital à l’aide d’une tablette graphique. Pour les couleurs, j’ai choisi un camaïeu de rose pour rappeler les cerisiers au Japon. Je l’ai également choisi car c’est une couleur associée à l’enfance, notre petit chat étant encore jeune et jouette, j’ai trouvé que cette couleur lui allait bien. Une autre raison pour laquelle j’ai choisi cette couleur, c’est parce qu’elle peut être associée à la joie et au bonheur, la maîtresse apprécie beaucoup son chat (même s’il fait parfois des bêtises) et lui prépare le thé avec joie, légèreté et sérieux.

64_page : Beaucoup de symboliques dans cette œuvre qui se mêlent aux souvenirs ! Merci Wanwine.

Wanwine : A très bientôt et merci pour votre intérêt.

64_page : Un tout grand merci et bravo pour cette belle BD ! Pour quelqu’un (comme moi) qui adore le thé, c’est le début de beaucoup d’interrogations… sur ces divinités qui nous entourent… peut-être ! A très bientôt Wanwine ! Dans nos prochains numéros et j’espère que nous nous verrons également lors du verre de nos dix ans au BD Comic Strip Festival de Bruxelles pour fêter ensemble cet anniversaire et la publication de Le neko du thé !

Retrouvez Wanwine sur Instagram : wanwine.illustration

 

 

 

 

 

 

 

64_page disponible à Paris!

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64_page est, depuis le 15 mars, disponible à la librairie Wallonie-Bruxelles, 46, rue Quincampoix – 75004 Paris.

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Yslaire, de A à Z

Interview réalisée par Olivier Grenson.

[ndlr: 2 lettres seront postées tous les 2 jours]

Pour Yslaire, être un artiste, c’est écouter sa voix intérieure, se réinventer constamment au risque d’être incompris. Passer d’un médium à un autre jusqu’à « sculpter » la Joconde et redéfinir la spécificité de la bande dessinée. C’est expérimenter pour s’interroger sur la manière de raconter aujourd’hui, se positionner avec son temps et comprendre le présent.

Pour Yslaire chaque mot a son importance, chaque lettre a sa symbolique jusqu’au choix de sa signature. Voici

Yslaire de A à Z

A comme ÂME ou @nonymous

L’âme est une obsession chez moi. C’est revenu dans des tas de scénarios, souvent sous forme de dialogue. Ca doit être un substitut catholique. C’est l’idée de la suprématie de l’esprit sur le corps. Je pense qu’enfant, j’ai été traumatisé ou influencé par le catholicisme. L’âme est liée à la mort, mais je ne sais pas si elle est éternelle. Dans un tableau, ce qui compte, c’est l’âme et c’est le supplément d’âme qui fait l’art. C’est une définition très précise qui nous éloigne de la plastique pure puisque c’est quelque chose de spirituel.

B comme BERNARD ou BRUXELLES

Bruxelles est pour moi incontournable. Je suis né au cœur de Bruxelles, j’ai habité une dizaine de communes. J’y suis vraiment attaché. Depuis mes nombreux voyages, j’ai pris conscience de la richesse et de la modernité à travers la multi culturalité. C’est rare de voir des villes où l’on parle autant de langues différentes. Bruxelles a au moins cette double casquette, cette dualité et même si je ne parle pas le flamand, j’ai l’impression d’être plus flamand que francophone. J’aime Bruxelles pour son côté zinneke. L’art pour moi, c’est zinneke, bâtard. Et la BD c’est zinneke, c’est la littérature sans en être, c’est de l’illustration mais pas vraiment, c’est un truc entre les deux, l’alliance des contraires.

De la même manière, j’aime Bruxelles parce qu’il y a l’ange Saint Michel et le Manneken Pis. L’ange qui terrasse le dragon et le gamin qui fait pipi. J’aime Bruxelles pour ce K.O., pour cette contradiction, pour cette schizophrénie qui se retrouve dans tous les quartiers.

C comme Jean-Claude CARRIERE

Jean-Claude Carrière est une des meilleures choses qui me soit arrivé dans la vie. J’ai tout de suite accroché à Jean-Claude parce qu’il avait une vision Bouddhiste. A l’époque, j’étais très sensible au yin et au yang, au taoïsme, c’était l’époque où Harrison emmenait les Beatles chez Maharishi Mahesh Yogi pour pratiquer la méditation transcendantale. Ca a énormément influencé ma vie et je retrouvais tout ça dans ses livres. Plus tard, je lui ai proposé une collaboration pour le Louvre et je n’ai pas été déçu. Dès qu’on s’est rencontré, ça a tout de suite fonctionné. Il reste quelqu’un de très important pour moi, je suis très attaché à lui. Si un jour il disparaît, il restera une des personnes qui aura le plus compté dans ma vie.

D comme DESTIN ou DECOUPAGE

C’est amusant, parce que le découpage doit donner une impression de fatalité, c’est quelque chose que je recherche mais qui est un peu vain. Et pourtant je n’y échappe pas. Je continue à penser qu’il y a une bonne manière de raconter, adéquate à l’histoire que j’ai écrite. Il n’y a pas 50 formules pour trouver le bon découpage en adéquation avec le scénario. Tant que je n’ai pas trouvé cet angle d’attaque, je ne crois pas à mon histoire et je suis frustré. Le moment où ça devient limpide et qu’il me paraît bon, ça donne l’impression d’être une destinée. L’histoire se lit alors comme une fatalité. Du début à la fin, on ne peut plus rien enlever, c’est ce qui fait pour moi une bonne histoire. L’idéal de la forme qui rejoint le fond. Et la BD se résume au découpage des cases et l’espace entre les cases.

E comme EVA ou EGO

L’ego n’évoque pas grand-chose pour moi, je ne me pose pas cette question. Par contre Eva Sterne est un personnage tellement important. Je voulais faire quelque chose de biblique, l’art total dans cette épopée du XXe siècle. Quelque chose d’audacieux et expérimental, parler d’une genèse où de façon très bouddhiste, il n’y avait pas de commencement. Rapport à la genèse, Eve, et à la psychanalyse, comme transgression de la religion, qui inventait un autre Dieu : l’inconscient, présent partout, invisible, abstrait mais qui nous fait réagir. Eva devait logiquement être juive parce qu’au départ la psychanalyse est juive. Et Sterne qui veut dire étoile, comme une résonance à la recherche d’un ailleurs. L’idée propre au XXe siècle est de s’échapper de la terre dont la conquête spatiale est la quête. Ce sont tous ces liens qui finalement donnent du sens.

F comme FRIEDRICH

C’est le peintre romantique par excellence. C’est Alain Populaire qui me l’a fait découvrir. Si Carrière est un mentor à partir de 50 ans, Populaire vers mes 30 ans a fabriqué ma culture picturale. Il m’a fait découvrir un tas de choses en peinture et en musique. Friedrich en fait partir. Sambre est connue pour être une série romantique, mais pas dans le sens fleur bleue. Le romantisme est d’abord allemand, c’est une expression tragique de l’existence, c’est le rayon des pulsions, du ça, de l’inconscient. Friedrich ne dessine pas très bien, c’est un peu crispé, mais sa force, c’est la dimension spirituelle, une dimension morbide et mystique de la nature qui vient de la mort de ses proches. Sa mère et ses sœurs, puis son frère noyé en mer Baltique. On retrouve deux dimensions dans sa peinture, la nature et la mort.

G comme GENIE

Quand j’étais ado, j’ai dit à ma mère : « Maman, je crois que je suis un génie. » Elle m’a répondu qu’elle avait toujours pensé que tous ses fils étaient intelligents. J’étais blessé, frustré et pourtant sa réponse était très intelligente. Car du coup, je me sens très différent des autres garçons. Eux, ils sont un peu tous des génies pour leurs mamans. Et elles trouvent génial ce qu’ils font même si ce n’est pas forcément génial. Je n’ai jamais eu ça, je ne suis même pas sûr que ma mère ait lu mes albums. Des génies, j’en ai rencontrés, Gainsbourg, Moebius, son Major Fatal, c’est vraiment du génie et je n’oublie pas Jaco Van Dormael. Chez lui, il y a quelque chose qui dépasse l’entendement!

H comme HISLAIRE

Le H est une lettre maudite. D’abord parce qu’on ne la prononce pas. Hislaire peut donc s’écrire avec ou sans. Je ne veux pas me retrouver dans le dictionnaire entre Hergé et Hitler. J’ai tout fait pour me débarrasser du H et j’y suis arrivé.

I comme INTUITION

C’est la seule chose qui compte, c’est la seule chose qui reste. Avec les années, avec les modes, les belles théories s’envolent. Les intuitions nous aident à faire des choix, elles nous dirigent et nous permettent de faire la différence entre une promesse et un avenir.

J comme JE

Le je ? Je croyais que tu disais le jeu. Je ne joue pas. Mais c’est peut être ce qui me manque. Ceci dit, avec l’âge j’aime de plus en plus le jeu, la comédie humaine avec ses règles… Dans le dernier album, j’ai eu envie de créer un petit démon plutôt qu’un ange romantique blessé. Du coup, j’ai joué avec les codes et j’adore ce personnage, il est devenu mon personnage préféré, très humain.

Le petit démon s’appelle Judith Juin. Tiens tiens, deux J, il n’y a pas de hasard !

L comme LIGNE, ligne sombre en l’occurrence.

Ah oui. On est tous dans la BD en Belgique descendant d’Hergé, c’est comme une malédiction. Hergé a imposé la ligne. Cette ligne a quelque chose d’insupportable et c’était mon combat parce que mes crayonnés, c’est 10000 traits, un brouillard incroyable. Du coup, trouver le trait au moment de l’encrage était une souffrance terrible. Il fallait arriver à cette expression la plus neutre, tout raboter, un seul trait qui défini. C’est l’inverse de l’ego, l’inverse de l’émotion, l’inverse de l’âme. Mais appartenant à cette école, cette culture, j’ai fini par m’y faire et j’ai moins de peur de rater. Je sais que mon dessin c’est d’abord du trait et puis comme un sculpteur je dégrossis la masse pour arriver à des traits fins. Jijé travaillait par les taches d’abord et terminait par les traits fins. Moi, c’est l’inverse. Il m’arrive de travailler les décors avec les moindres détails et puis de tout noircir. Au moins j’ai l’impression que le noir est habité.

M comme MALEDICTION

De façon incroyable, l’enregistreur s’arrête. La conversation n’est pas enregistrée comme si la malédiction des Sambre était complice de l’interview. Avec le dessert, je coupe l’enregistreur et je le remets en route à la lettre N sans m’apercevoir que le M n’y est pas.

N comme NON

Court et bref. Le premier mot prononcé par un bébé. Preuve s’il en est que la race humaine est belle par nature. A qui ? A maman, Papa, qui à cet âge sont comme Dieu. A mon avis, l’homme est prométhéen par essence. Et c’est même ma définition de l’Art. Rébellion contre la vérité.

O comme OTHELLO

Vachement important, c’est la première pièce de Shakespeare que j’ai vu et qui m’a bouleversé. Le premier héros négatif sur le thème de la jalousie et tellement noir où l’amour est un amour souffrance. C’était fascinant même si je ne comprenais pas tout. C’était une réponse à toute mon enfance qui était catholique où je confondais les histoires horribles de la bible avec l’Histoire. Shakespeare a été pour moi l’introduction au romantisme. Shakespeare n’était pas romantique mais dans sa traduction en français, par le fils de Victor Hugo, il a reçu cette dimension romantique. Ca a été une réelle révélation avant Cyrano. Et sera déterminant sur mon travail dans la bande dessinée qui représentait un océan de pureté. La culture française a inventé une forme de mythologie à travers des grands auteurs dont fait partie Shakespeare. Il reste encore aujourd’hui ce qui nous construit, une structure sur notre vision de notre existence.

P comme PAPILLON ou POESIE

Je ne vois pas de poésie dans papillon. C’est un élément qui devient très important dans Sambre et qui était déjà présent dans le ciel au-dessus de Bruxelles. C’est l’histoire de l’éphémère mais qui en même temps représente une forme d’éternité par l’idée de la transformation, la chrysalide. C’est une très belle métaphore de l’amour car ils ne vivent que pour se reproduire. Il ne mange pas, il naît juste pour aimer, se reproduire et mourir. Ca colle parfaitement à Sambre et à la thématique du romantisme, mais aussi d’anges, d’ailes, d’esprits…

Q Comme QUÊTE ou QUESTION, remise en QUESTION…

Quête = question, c’est évident. La réponse est dans ta question Olivier.

Il y a deux types d’artistes, ceux qui cherchent et ceux qui trouvent, je fais partie de ceux qui cherchent. Jean-Marie Brouyère, scénariste avec qui j’ai travaillé au début de ma carrière, a dit une phrase étonnante : « C’est dans l’ignorance de la direction à prendre qu’on fait tout le chemin ». On ne sait pas où on va mais en même temps, sans le savoir, on y va. Jean-Marie était quelqu’un de très important pour moi, c’était les années 70, les hippies, la beat génération, une volonté d’aller chercher ce qui n’a pas d’explication. Une culture formidable qui reste encore aujourd’hui une référence.

R comme ROMANTISME, ROUGE, REVOLUTION

Le romantisme allemand m’a beaucoup plus parlé que le romantisme français, même si les lettres d’Hugo sont magnifiques. Globalement, les français l’interprètent comme fleur bleue. La dimension germanique anglo-saxonne me plaît beaucoup plus. Il y a le nord de l’Europe et le sud. Cyrano, c’est le sud, latin, accessible, c’est du verbe, du panache ça fait pleurer les foules, mais ça n’a pas cette dimension profonde parfois incompréhensible, cette force expressive qu’on retrouve dans Hamlet et cette forme de cri de la peinture allemande et en même temps de vide métaphysique, j’aime cette douleur et cette crudité qui touche le spirituel. La révolution, c’est toujours des morts, la révolution a du sens qu’une guerre n’a pas nécessairement. Avec les années, je deviens Créon dans Antigone. J’essaye de ne pas oublier Antigone en moi. Sambre c’est Antigone.

S comme SIGNATURE

Je l’ai passé sans m’en rendre compte, mais on sait que c’est une question de lettre. Que, même si la lettre change, c’est le dessin qui est la vraie signature.

Changer de dessin, c’est changer d’orthographe.

T comme THEÂTRE ou TRAGEDIE

Le théâtre est une influence déterminante pour moi, plus que le cinéma. Il y a quelque chose de similaire entre le théâtre la BD, c’est la représentation contrairement au cinéma qui cherche le réel. L’autre aspect, c’est le cadre, pas de mouvement, pas de travelling, pas d’effets spéciaux, du texte mais pas de musique et enfin, un langage très codé. Les thèmes au théâtre me semblent plus proches de la BD, des thèmes qui parlent de l’être humain qui traverse les siècles alors que le cinéma parle du présent. Aujourd’hui, la BD a évolué, a changé et la volonté de toucher plus au présent, d’aller de plus en plus vite au détriment de l’esthétique. Le vrai plutôt que l’esthétique. Pour moi, la bande dessinée reste une question de prendre le temps, de recréer et de penser l’esthétique. La dimension que j’ai toujours aimée dans la BD, c’est être relu. Ce qui m’encourage à prendre le temps.

U comme UROPIA

C’est l’Europe rêvée et ce qui me fait rêver c’est le futur. J’ai voulu imaginer avec Laurence ce qui pourrait se passer dans 20 ans.

C’était une forme de création qui n’est ni le cinéma, ni la BD, ni le théâtre, c’était le rêve des années 70, comme internet créé par des hippies, c’est l’art total qui mélange tout, un multimédia comme un opéra rock, c’était un magazine de news sur Ipad et qui jette des pistes sur un avenir pour voir à quoi il ressemble. Mais je vais y revenir un jour. Ce n’est pas facile, mais je n’abandonne pas.

V Comme VIOLETTE

Mon personnage préféré. Il a quelque chose d’une certaine perfection. J’ai eu tellement de difficulté à le dessiner. Le personnage féminin dont je suis le plus fier.

En pensant à Violette, j’ai l’image d’un équilibriste qui marche sur un fil…un petit trait à gauche ou à droite on peut tomber. Il n’y a pas une image qui y ressemble ?

OUI tout à fait! C’est la plus belle case que j’ai dessiné dans Bidouille et Violette ! C’est l’essence même du personnage féminin asexué, distrait, décalé, vis-à-vis de la réalité en dehors de tous clichés. C’était une vraie trouvaille pour moi.

W Comme WINNER ou WATERLOO

Ce n’est pas vraiment un hasard que j’habite Waterloo, quand j’étais petit, j’avais une fascination pour Napoléon et quand je voyais les images du film d’Abel Gance, je pensais que c’était les images de la vraie bataille. Combien de cadavres se trouvent sous la ville ? Et les débuts des misérables c’est Waterloo. Ce qui rejoint Sambre.

X comme XXe ciel

Quelle belle aventure, c’est ma fierté, j’ai dû me battre pour qu’elle existe. Encore aujourd’hui incomprise, elle a quelque chose de maudit, en même temps c’est constamment réédité. Je pense avoir fait mon Major fatal, je voulais quelque chose d’expérimental, mais ma référence c’était Beyrouth, le côté cassé, des fragments qui s’assemblent et qui ont du sens… ça se rapproche de la beat génération. C’est cet esprit là qui a fondé internet, la fragmentation pour échappé à l’armée et diffuser des informations. Un rêve qui a bien fonctionné. Dans cette démarche, je pense avoir fait quelque chose d’avant-gardiste. Incompris et j’ai eu l’impression de donner le meilleur de d’avoir face à moi des réactions conformistes. Je pouvais passer de Sambre au XXe.

Y comme YSLAIRE ou YEUX ou YANN

C’est une lettre importante. C’est l’occasion de dire à Yann que je lui suis vachement reconnaissant, c’est un peu comme les groupes rock, nous n’étions pas prêt au succès. A l’époque on passe de Spirou à Glénat pour réinventer quelque chose, pour provoquer, pour relancer de nouvelles créations et le succès a été immédiat. Il y a eu une forme de folie autour du premier tome. Tout a changé trop vite, nous n’y étions pas préparés. Je l’ai toujours regretté ce clash. Il y avait pourtant une espèce de fusion qui se concrétise par le changement de signature. Et inconsciemment, alors que Yann change de signature juste pour faire la différence avec les innommables : Balac commence par B, la lettre pour Bernard et le Y de Yslaire et aussi celui de Yann.

D’où Yslaire de A à Z et donc voici le Z

Z comme la maîtrise de A à Z

J’ai passé mon temps à rêver dans les dictionnaires, mais en ouvrant le livre au milieu. Je ne peux pas commencer par le début d’une histoire. De A à Z, pour moi c’est impossible. Cet ordre, c’est une idée de la vie et de la mort qui me terrifie. Quand j’écris, je ne commence pas par le début. Quand je dessine non plus. Je mélange tout.

Et c’est le propre de cette interview, on peut la commencer n’importe où.

Multilingue et multi techniques: Sandro Cocco

 Onirisme, psychédélisme,

Sandro COCCO un créateur étonnant

Sandro COCCO est un créateur atypique travaillant de nombreuse techniques qui servent à merveille des scénarios bien ficelés et un humour très particulier… Découverte!
  1. Peux-tu nous expliquer ton parcours qui est assez original? Et le pourquoi de ton installation à Rochefort? 

J’ai étudié peinture aux Beaux-arts à la Karel de Grote Hogeschool à Anvers (1994-1998). Pendant ces études j’explorais à côté des matériaux classiques comme

l’aquarelle et la peinture à l’huile avec des autres médias comme gravure, sculpture, installation, vidéo et à la fin photomontage analogue et numérique qui sont mes premières essaies de narration. Après avoir étudié les thèmes classiques comme le nu, la nature morte et le paysage d’après observation, je voulais être plus proche de la forme alors j’arrêtais à regarder mon papier de dessin sur laquelle je dessinais. J’ai commencé dessiner qu’en regardant le modèle devant moi. Mais le dessin à l’aveugle d’après nature ne me suffisait plus à un certain moment. Je continuais à être intéressé à la forme, mais en laissant l’observation d’après la nature de côté et voir quelles formes allaient se produire de moi-même.

Alors, j’évoluais vers l’écriture automatique. Pendant les cours de théorie, je commençais à gribouiller comme beaucoup de gens font en téléphonant. Ces gribouilles sont devenus des dessins amorphes: des formes sans forme particulière. Pour certains ils ressemblaient à des nuages, des îles, d’autres voyaient des animaux dedans, des visages… Premièrement, des dessins au bistre puis pour devenir l’objet d’une installation en les peignant à la peinture à l’huile sur les mûrs de mon atelier à l’école et ensuite pour devenir des sculptures en plâtre. Mon étude de forme se termine en créant des amorphes en symétrie… Après avoir été fasciné un bout d’un moment par le monde de l’installation j’ai appris que construire des installations laborieuses dans la réalité avec de la matière n’était pas pour moi. Après quelques projets plutôt conceptuels comme mes surpeintures: une toile que je continuais à surpeindre en prenant des diapositives de chaque étape, je suis arrivé à me vouloir exprimer uniquement avec des concepts immatériels dans mon livre d’esquisses. En voulant savoir visualiser mes idées que j’avais noté dans mon cahier, je suis arrivé à la construction des photomontages à l’aide de la photographie numérique. C’était revenir au moment que j’avais 14 ans et que mon copain de classe me montrait son ordinateur Amiga dont sur lequel il y avait un premier logiciel pour éditer des photos. Disons que c’était un prédécesseur préhistorique de Photoshop comme on le connaît aujourd’hui avec toutes ces fonctions inutiles, superflues. Mais avec ce logiciel je pouvais utiliser les deux fonctions que j’utilise le plus à présent: copier et coller. Mon prochain objet d’étude était donc chercher une façon comment visualiser mes idées. Je commence alors à construire des photomontages afin de visualiser mes idées à l’aide des personnages qui montrent une ou plusieurs actions dans une pièce: mon atelier, mon studio, la salle de bain. Parce que mes compagnons de classe étaient tous occupés avec leurs propres projets, je ne pouvais pas les déranger pour visualiser des poses. Je commençais alors à utiliser moi-même comme modèle. Mes premières tentatives de narration commencent à se voir. Mais en 1998 pour mon professeur de peinture, la narration était tabou. Donc avec mon projet de fin d’études, une vingtaine de photomontages, je réussis à peine mes études avec une note juste suffisante. Après mes études je me concentre à créer des photomontages en toute liberté avec des photos analogues et numériques (1998-2001). Après une expérience de travail dans le musée d’art contemporain (S.M.A.K.) comme gardien en 1999, je décide d’étudier la BD à Sint-Lucas à Gand (2001-2003). Cette méthode de photomontages avec laquelle j’ai fini mes études de peinture, c’était tout à fait logique pour moi que j’allais l’utiliser pour faire de la BD. Le Peintre est ma toute première planche de BD avec cette méthode. Ce style de dessin est à base de calque de photomontages. Ce sont des photos que je prends moi-même. Je me sens confortable avec ce style de dessin parce que le plus important pour moi est de pouvoir visualiser mes idées. Je trouve que la réalité qui m’entoure est plein de forme est de couleur et cela me suffit largement pour raconter une histoire. Le Carton à dessin est fait entièrement dans mon salon. J’ai utilisé ma femme et moi-même comme modèle. C’est la première fois que j’ai utilisé une tablette graphique Wacom. Mon album L’autre Côté était encore dessiné entièrement avec la souris. Après mes études de BD, je me consacrais à écrire dans mon journal, écrire des histoires courtes et la création des dessins des chambres imaginaires à l’encre de chine et aquarelle. Pour moi, ce sont des visualisations d’idées qui peuvent être réalisées comme des installations. Pendant que je travaillais comme bibliothécaire, je reviens à la BD. En 2008 j’envoyais mon manuscrit L’Autre Côté à quelques maisons d’édition. Quand je visitais un festival de BD à Arlon, je rencontrais, par hasard, Anick Lillienthal qui était immédiatement d’accord pour éditer mon projet. L’Autre Côté, histoire d’une psychose est publié en juillet 2013 chez Le Moule à Gaufres à Nancy. Depuis ce moment je prends de nouveau aux sérieux la possibilité de faire de la BD comme mon métier. Je commence à traduire L’Autre Côté en anglais depuis la version originale en néerlandais, ma langue maternelle. Puis en allemand, en italien et ma femme à fait la traduction en japonais. Ce moment j’ai repris mon premier projet La Visite pour en faire un album cette fois-ci.

Par rapport à mon installation à Rochefort. Mes parents parlaient français et italien à la maison. Pendant mes études secondaires j’ai étudié les langues: néerlandais, français, anglais et allemand. Quand j’habitais à Renaix, une ville à facilités linguistiques je me suis commencé à m’exprimer en français grâce à quelques copains francophones. En 2006 je vends ma maison et j’essaie d’habiter en Sardaigne. Après quelques mois je retourne en Belgique. Ma décision d’aller habiter à Rochefort n’était plus difficile. J’ai visité les Ardennes plusieurs fois quand j’étais enfant et l’omniprésence de la nature m’a beaucoup plu.

  1.  Tu vis une expérience artistique double puisque ton épouse elle aussi est artiste, qu'est-ce que ce partage et les confrontations quotidiennes de vos créativités vous apportent sur le plan artistique?

J’ai rencontré ma femme Kanako Higa à Anvers en 1996 quand j’étais dans ma deuxième année de peinture. Elle est japonaise. Après ses études de peinture aux Beaux-arts à Okinawa, elle étudiait un an la gravure au Karel de Grote Hogeschool à Anvers. Après elle, retourne au Japon pour payer ses études et commencer une carrière d’artiste. Après quelques années elle commence à enseigner la gravure à l’université des Beaux-Arts à Okinawa. Après 12 ans nous nous rencontrons de nouveau. Après des années de travaux à la maison et élever les enfants jusqu’à l’âge qu’ils commencent aller à l’école nous commençons à avoir du temps pour nous-mêmes et exposer. D’abord dans le centre culturel de Rochefort et de Dinant, l’académie de Huy et pour l’instant à Namur. Nous ne nous trouvons pas toujours dans notre travail artistique parce que nos oeuvres et visions sont assez différentes. Mais j’espère qu’on peut travailler ensemble à des projets dans le futur comme des BD ou des livres d’enfants. Dans l’histoire courte Le Carton à dessin c’est la première fois que j’ai utilisé ma femme comme personnage.

  1.  Tu as édité une BD, L'autre côté qui aborde un sujet difficile, la psychose de ton frère, qu'est-ce que ce projet représente pour toi? Comment s'inscrit-il dans tes réalisations habituelles?

Tout a commencé avec un pari entre moi et mon prof Ferry, auteur de Chroniques de Pancrysia et Ian Kaledine et président actuel du Centre de la BD à Bruxelles. La première chose qu’il me disait est qu’il faut savoir dessiner pour faire de la BD. Je ne suis pas d’accord avec ça. Je suis convainçu que c’est parfaitement possible de faire une BD sans être un virtuose en dessin. Je lui ai prouvé avec la publication de mon album L’Autre Côté. C’est fait entièrement avec des photos que j’ai calquées. Ce projet est très important pour moi parce que c’est la première fois que je pouvais visualiser une idée, une histoire sans utiliser de la matière. Il n’y a aucun trait de crayon ou encre sur papier. Ce qu’on voit est entièrement dessiné avec des pixels. J’espère pouvoir apporter un outil pour tout le monde qui aimerait faire de la BD, mais qui n’ose pas parce qu’il croit qu’il ne sait pas dessiner. Quand mon frère Pasqualino me confiait sa psychose, j’étais impressionné du côté poétique de son expérience. Cela me parlait tellement que je voulais la raconter. Quand j’avais réalisé la BD et lui ai montré, j’espérais que cela pouvait lui peut-être aider de prendre de recul de son expérience. Maintenant mon frère sait tenir l’album en français dans ses mains, mais j’espère un jour le pouvoir publier en néerlandais qu’il peut le lire dans notre langue maternelle.

  1.  Qu'elles sont tes projets actuels? Comment vois-tu ton avenir dans le monde de la BD?

Pour l’instant j’ai le synopsis, le story-board, la couverture, les trois premières planches et une page qui présente les personnages pour mon prochain album La Visite. Je refuse de continuer à dessiner parce que je ne veux pas être dans la même situation comme avec mes deux autres albums Le Pick-Up et Une BD sur une BD. L’Autre Côté j’ai créé en 2002 et ce n’est que publié en 2013. J’espère trouver un éditeur un jour qui croit en moi et qui veut me rémunérer pour mon travail. Je n’ai pas besoin de beaucoup. Le même montant que le RIS m’est suffisant dont je vis pour l’instant. Le 19 janvier mon petit frère s’est suicidé. Cela me choque encore chaque jour et je cherche comment m’exprimer autour de cela. Ma mère était schizophrène et a vécu 30 ans dans une psychiatrie. J’ai un frère otaku et moi j’étais hikikomori. Mes études de peinture étaient une expérience surréaliste. Ce sont tout des choses qui me tiennent à coeur et ce sont sûrement des sujets qui vont apparaître dans mes prochains BD. J’espère de pouvoir démarrer dans le monde de la BD et l’illustration. En 2016 j’ai obtenu mon Certificat d’Aptitude Pédagogique et un jour j’espère de pouvoir passer mes connaissances en matière de dessin, peinture, photographie numérique ou BD…

 

Remedium signe ses Contes noirs du chien de la casse au Quai des bulles de Saint Malo

Remedium signe ses « Contes noirs du chien de la casse » au Quai des bulles de Saint-Malo!

64_page : Tu dédicaces pour la première fois dans un grand festival ! Est-ce ton premier livre publié professionnellement ? Remedium : Non c’est mon troisième. Mon premier était Obsidion en 2011, une BD sur les émeutes de 2005, et j’ai fait un livre pour enfants en 2014, Adama, sur les élèves sans-papiers dans les écoles. Mais c’est le premier avec un tirage plus important (1800 exemplaires), dans une maison d’édition qui a pignon sur rue. Et ça se passe très bien, avec beaucoup de bons retours !

64_page : Peux-tu me dire combien de temps s’est écoulé entre le premier germe de cette BD et ta présence ici à Quai des Bulles ? Remedium : 1 an et demi. Le concept de l’histoire m’est venu il y a deux ans mais je m’y suis mis il y a un an et demi. J’ai trouvé un éditeur assez rapidement. J’ai ciblé aussi des éditeurs qui me correspondaient et qui correspondaient au projet, et du coup ça a interpellé : aucun éditeur n’a refusé sèchement. Tous ont eu soit un refus poli en critiquant très justement soit une acceptation.

64_page : Tu n’as donc pas arrosé toute la profession avec ton projet ? Remedium : Non, ça peut être contre-productif. En plus les éditeurs se connaissent tous, ils se parlent entre eux, ils savent quand les projets tournent.

64_page : Avec Des ronds dans l’O, ça a été le coup de foudre immédiat ? Remedium : C’est une boîte qui laisse beaucoup de liberté à l’auteur, à partir du moment où ils s’engagent sur le projet et où ils s’y reconnaissent. Au final, il n’y a eu quasiment aucune intervention de leur part, simplement des conseils sur certaines tournures de phrase, sur la maquette. C’est une belle collaboration entre un auteur et un éditeur : c’est un bel objet qui bonifie les planches je trouve.

64_page : A 36 ans, peut-on dire que tu es un jeune auteur ? Remedium : Euh…Un collègue qui dédicace à côté : On est jeune tard dans ce métier !

64_page:Est-ce que tu en vis ? Remedium : Non j’en vis pas, je suis professeur des écoles. A mi-temps, pour me donner le temps d’abord de m’occuper de mon fils, puis pour finaliser ce projet.

64_page : As-tu des conseils à donner aux p’tits jeunes qui débutent ? Remedium : Changez de métier ! Barrez-vous!! (rires!) Avant tout de faire ce qu’on a envie de faire, parce que si on essaie de coller à une mode ou à un courant, on n’y arrive pas forcément mieux. Faut parler des choses qu’on connaît, de son expérience, de soi, et après trouver l’éditeur qui peut correspondre même si ça peut paraître difficile, compliqué.

64_page : Ton livre est autobiographique ? Remedium : Non mais ce sont des gens que j’ai connus, des histoires auxquelles j’ai assisté. Dans toute histoire il y a un aspect cathartique, une part de soi qu’on met dedans.

64_page : Quid de ton futur projet ? Remedium : Ce sera complètement différent mais pour l’instant j’en suis aux bases donc je ne peux pas trop en dire. Ce sera un autre style. Alors évidemment il y aura des points communs parce qu’on voit que tous mes textes sont de la même famille !

64_page : Tu ne sors d’aucune école de BD ? Tu es autodidacte ? Remedium : Complètement ! J’ai appris tout seul, je dessine depuis que je suis tout petit. L’essentiel pour moi c’est de se lancer, puis de progresser par soi-même en fonction de ce qu’on a envie de faire, les ressentis qu’on veut faire passer dans ses dessins, plutôt que d’apprendre de la technique pure. Même si la technique est nécessaire pour avancer!

64_page : Ton ressenti sur Quai des Bulles ? Remedium : C’est un super festival ! Avec des gens très sympas, très curieux. C’est une belle expérience !

Marianne PIERRE, le 28 octobre 2017 à Saint-Malo.

Xan Harotin expose au Wolf

Xan HAROTIN expose au WOLF

expo Wolf

Xan Harotin a rejoint, récemment, le groupe des jeunes auteurs de 64_page. Elle n’a pas encore été publiée dans la revue, mais cette expo est une occasion pour découvrir ses dessins animalier, son traits frais et son humour tout en douceur…

64_page publie une interview exclusive de Xan:

autoportrait Xan : »J’aime raconter des histoires sous formes d’illustrations, de petits livres et de bandes dessinées. Depuis quelques année, je suis professeur de dessin dans une académie. »

 

1. Comment es-tu arrivée au dessin? Quel est ton parcours jusqu’ici?

Xan : Je dessine depuis que je suis toute petite. Mais je m’y suis vraiment mise après mes secondaires lorsque j ai commencé des études d’illustration à l Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. J’ai ensuite fait un master aux Beaux-Arts de Tournai ainsi que l’agrégation. Je donne depuis quelques année des cours de dessin à l’académie de Saint-Josse. J’ai également illustré une histoire qui paraîtra l’année prochaine chez une petite maison d’édition « Les petites bulles ». 

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Le temps d’une tasse de thé

2. Quels sont les auteur(e)s qui t’intéressent, t’inspirent? Comment conçois-tu un dessin? un récit?

Xan :  Parmi les auteurs qui m inspirent, j’aime le travail d Anne Montel, Mélanie Rutten, Renaud Dillies, Bastien Vives, Manu Larcenet, Lewis Trondheim,…

Pour des récits, l’histoire me vient généralement en premier. A partir de là, je commence des dessins, je découpe mon texte, je cherche des attitudes qui me semblent juste…

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Réunion de printemps

3. En dehors du dessin, quels sont les formats artistiques qui t’intéressent?

Xan :  J’apprécie la photo et la sérigraphie, j’ai eu l’occasion d’en faire un peu pendant mes études. Si j’avais plus de temps ça ne me déplairait pas d’approfondir ces médiums.

4. Qu’est-ce qui influencent ton travail de graphiste? Qu’est-ce que cela t’apporte comme originalité? Dans ton regard? Tes techniques? Ton univers graphique?

Xan :  Dans mon univers, on trouve des choses simples, on s’attarde sur les petits instants de la vie. J’ai l’impression que l’on peut ressentir du calme et de la douceur dans certaines de mes images. Mais j’ai également des personnages espiègles. J’aime dessiner des arbres, des plantes, des animaux… On les retrouve dans mes histoires remplies de personnages animaliers. Mes techniques principales sont la plume, l’encre de Chine, l’aquarelle, le rotring.

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Ça roule…

Antoine Breda: « J’envisage pour la suite de continuer à vivre comme je le fais déjà maintenant. »

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Raconte ton parcours, comment es-tu venu au dessin? A la BD?

Antoine Breda : Je dessine depuis que je suis tout petit, et comme j’ai toujours été nul en français, en maths, en géo, en néerlandais, en anglais, en gym… (mais pas en histoire, là j’étais bon)  ma mère ma poussé dans des études artistiques: « de toute façon, on pourra rien en tirer d’autre » qu’elle devait se dire. La BD m’est venu comme une évidence quand je devais avoir 15, 16 ans alors que je n’en lisais presque pas et après cette révélation, je suis tout de suite allé au cours du soir chez Foerster puis ai continué aux Beaux-art en BD. J’avoue que pendant mes études il y a beaucoup de moment ou j’ai pensé arrêter, mais je repensai à ce que se disait ma mère et je  reprenais mon crayon car de toute façon, je sais rien faire d’autre.

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Dans A en perdre la tête publié dans 64_page #10tu as un univers très personnel, et un dessin moderne mais faisant, curieusement penser aux enluminures du Moyen-âge, est-ce un style spécialement conçu pour ce récit ou comptes-tu le pérenniser?

Antoine Breda : Cela fait plusieurs année que je cherche « mon dessin », celui qui sort de moi sans contrainte et spontanément. Pour l’instant il est toujours en mouvement, il évolue avec moi. Peut-être qu’un jour lui et moi on se posera sur des bases qu’on aura établi mais pour l’instant on essaye tout ensemble, comme deux enfants qui font leur premières bêtises.

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Comment as-tu vécu cette publication dans 64_page? Qu'est-ce que cela t'apporte?

Antoine Breda : Je suis devenu imbu de moi-même, à moi la gloire et la fortune ! Sérieusement, cela me fait très plaisir. Je ne me voyais pas être publié dans une revue de cette qualité pendant mes études et le fait que mon chef d’atelier (le grand gourou Cossu) m’ai fait confiance et m’ai poussé et suivi pour cette publication m’encourage pour la suite.

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Comment envisages-tu ton avenir dans le monde 'impitoyable' de la BD?

Antoine Breda : Par contre la suite, le monde impitoyable de l’édition me fait peur (aveu d’un jeune étudiant). Mais si tout se passe bien, je me vois derrière une table à dessin à faire mes gribouillis sur des feuilles, 32 tasses à café, 28 canettes de bières, 17 barquettes de lasagne surgelées, 3 cendriers pleins à ras-bord sur le côté et pas un rond sur mon compte en banque. En fait, ce que j’envisage pour la suite c’est de continuer à vivre comme je le fais déjà maintenant.

 

Benedetta Frezzotti : « il y a un an et demi je me suis lancée sur mes propres projets comme auteur complet »

Benedetta_frezzotti_autoportrait graphiqueBenedetta Frezzotti est une bonne surprise qui nous est arrivée de Bologne. Elle publie Lost in translation dans le #10 de 64_page et un strip dans son supplément clandestin, Le Trombone Illustré


Peux-tu nous expliquer ton parcours ? Comment es-tu arrivée à concevoir ton projet professionnel ?

Benedetta Frezzotti : Mon parcours ne fut pas à proprement parler linéaire. Après mon école primaire je me suis entendue dire que je n’avais pas la fibre artistique, ainsi ai-je poursuivis mes études dans un lycée scientifique.

Mais mon désir de dessiner était tenace et par chance ma prof de dessin m’a beaucoup soutenue.

Pour finir, j’ai étudié à l’institut Européen du Design et s’il est vrai qu’en dessin je me sens moyenne j’ai construit avec le papier et de la pâte à modeler un style qui commence à me satisfaire.

Mais même après l’IED ce ne fut pas linéaire ; j’ai expérimenté diverses choses passant de la vidéo à l’illustration médicale. Contre toute attente c’est la Bande dessinée qui m’a passionnée parce qu’elle suscite des émotions fortes pour peu qu’on joue avec ses codes. L’interprétation de l’image cependant appartient au lecteur, il y a la une ambiguïté intéressante.

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Certains auteurs jouent de cette ambigüité créant des métaphores visuelles d’une force et d’une universalité que je leur envie… Cependant dans mon travail, me semble-t-il, cela ne me réussit pas particulièrement, rester trop vague me frustre.

Avec la bd, le texte et les séquences d’images je peux expliciter mes clefs de lectures et donner une empreinte plus narrative.

La Bande dessinée en Italie, vu d’ici se limite trop souvent à Hugo Pratt et Corto Maltese, peux-tu nous en dire plus ? Qu’est-ce que nous, les francophones ne devons pas perdre, dans la production italienne ?
 

Benedetta Frezzotti : En Italie si tu dis Hugo Pratt, automatiquement nous pensons à Crepax avec Valentina et à Manara aussi. Nous avons eu d’excellents auteurs humoristiques, comme Bonvi et Altan (Petite je collectionnais déjà les dessins de Altan).

Personnellement je ne suis pas fan de Andrea Pazienza (qui est en train d’être traduit en français) mais c’est l’auteur qui a plus que quiconque influencé la bd underground italienne.

J’apprécie beaucoup Giardino tant pour le dessin que pour ses histoires, (par exemple NO PASSARAN) qui sont située dans des périodes d’histoires récentes, très bien documentées et passionnantes.

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Mais si je devais choisir de manière absolue je choisirais Sergio Toppi, son dessin puissant et ses compositions magistrales font de chaque planche un vrai tableau sans rien enlever à la force de la narration.

Il avait une recherche esthétique qui sublima toutes les variantes du pinceau sans jamais être maniéré… Bon j’arrête de vous parler de Toppi sinon vous allez courir lire ces livres au lieu de lire le mien, LOST IN TRANSLATION (ça serait bien, mais ne le faite pas par pitié).

Comment as-tu découvert 64­_ page? Qu’est-ce qui t’a amené à y participer?
 

Benedetta Frezzotti : J’ai trouvé 64 pages dans une librairie de Bruxelles, j’y étais pour moitié en vacances et l’autre pour étudier.

Ce qui m’a frappé c’est le soin et la qualité du projet éditorial, la volonté non seulement de mettre en avant des projets de débutant talentueux et originaux mais aussi de proposer des sujets et des auteurs pointus.

En Italie des revues de qualités tant sur la forme que sur la qualité du contenu éditorial me font penser ‘’A LA SCUOLA DEL FUMETTO’’ édité par COMICOUT, mais l’espace éditorial dédie à ceux qui veulent proposer une histoire originale est réduit.

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Comment  vois-tu sur ta carrière ? Quels sont tes objectifs ?

Benedetta Frezzotti : Question difficile, surtout en ce moment… Il y a peu encore je travaillais comme illustratrice seulement sur des textes d’autres, il y a un an et demi je me suis lancée sur mes propres projets comme auteur complet même si ces projets étaient différant entre eux. Petit à petit des résultats positifs sont arrivés que j’essaye maintenant de finaliser. Pendant que j’aboutis certains projets, j’en écris de nouveaux.

Évoluer dans ce sens ne me déplaît pas je me sens un peu comme le héros d’un film qui doit sauter d’un toit à l’autre et qui n’est pas sûr d’y arriver. J’espère avoir assez de recul pour arriver de l’autre côté et que je ne serai pas paralysée par le vide avant le grand saut !

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La bd d’auteurs en Italie en ce moment est très variées, elle est faite de cas particulier, il suffit de comparer Gippi et Zerocalvare (son KABANE COLLING devrait être traduit en Français prochainement) ou Igort.

Sans aucun doute sommes-nous encore sous l’effet de l’onde de choc provoquée par la veine autobiographique d’auteurs comme MARJANNE SATRAPI ou DAVID B., le style de Cyril Pedrosa nous a également beaucoup touchés.

Aujourd’hui cependant les jeunes sont influencés par l’esthétique et la narration Manga, des comics américains et dernièrement par les séries tv de qualités qui nous obligent à gérer des récits ou les personnage principaux et secondaires sont de plus en plus complexes.

Pour mon travail je regarde beaucoup vers la France pour ce qui concerne les essais réalisés par les expérimentations proposées par les auteurs sur tablettes et réalités virtuelles.

Ces langages nouveaux encore peu exploré m’attirent et j’aime m’y plonger avec délice.

Une belle réussite pour moi est ‘’PHALAINA’’ de Marietta Ren, je crois qu’une exposition lui a été consacrée à Angoulême.


 

Mathilde BROSSET : « J’ai choisi le collage comme alternative au dessin ».

autoportrait mathilde1 Quel est ton parcours? Comment et pourquoi es-tu arrivée à Bruxelles? Qu'est-ce que Bruxelles offre aux jeunes auteurs?

Mathilde : J’ai toujours aimé les histoires. Celles que l’on trouve dans les livres bien sûr mais aussi les textes des chansons, les films ou les pièces de théâtre.

A 18 ans, je suis entrée à l’école des Beaux-arts de Bordeaux. J’ai expérimenté de nombreuses techniques et je me suis intéressée au rapport texte/image par le biais d’installations sonores ou de livres d’artistes. Après mon diplôme, j’ai profité d’un échange universitaire pour partir à Montréal. Je me suis plongée dans la bande dessinée québécoise et j’ai commencé à imaginer mes propres projets.

A mon retour, j’ai intégré l’Institut saint Luc de Bruxelles en dernière année. C’était une année très riche où j’ai travaillé à la fois le dessin, le graphisme et la peinture. J’ai découvert des illustrateurs tels que Béatrice Alemagna, Wolf Erbrucht, Emmanuelle Houdart qui remplissent aujourd’hui ma bibliothèque. Je me suis prise d’admiration pour l’histoire des contes traditionnels et, en particulier, les contes d’Hoffmann. J’ai obtenu mon diplôme avec l’illustration de La pêche à la baleine de Jacques Prévert. A partir de là, j’ai continué à imaginer des projets de livres. Je suis restée à Bruxelles pour proposer des ateliers d’art aux enfants. Aujourd’hui, j’interviens dans plusieurs écoles primaires et dans divers lieux culturels. Je garde toujours un ou deux jours par semaine pour mon travail personnel.

Bruxelles est une ville pleine de possibilités pour les jeunes auteurs. La BD et l’illustration y occupent une vraie place et de nombreux lieux leurs sont dédiés. Je suis plutôt sédentaire, j’aime travailler de chez moi. Mais Bruxelles me permet d’avoir facilement accès aux nouveautés ou de visiter des expos de qualité.

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La pêche à la baleine

2 Tu es une technique personnelle, le papier découpé, explique le pourquoi de ce choix et ton cheminement?

Mathilde : J’ai choisi le collage comme alternative au dessin. Quand je suis arrivée à Saint Luc (Bruxelles), je n’avais jamais pris de « vrai » cours de dessin et je n’étais pas très à l’aise avec mon trait. Le collage m’a offert une certaine liberté. Il m’a permis de travailler sur des grands formats, de me concentrer sur les matières et les couleurs. Avec cette technique, on peut changer continuellement la composition. C’est comme un puzzle dont on bouge les pièces jusqu’à ce qu’elles trouvent la place parfaite. Une image peut rester des semaines en attente avant d’être fixée sur le papier.

Maintenant, je mélange collage et dessin. Mes tiroirs sont remplis de papiers à motifs, aplats de peinture ou extraits de magazines dans lesquels je découpe.

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Oki

En fonction des projets, le choix des matières change. Pour créer l’ambiance d’ Oki, j’ai choisi des teintes chaudes en découpant dans les photos des oeuvres de Rembrandt ou Vélasquez car le contraste entre les aplats de peinture jaune et les touches brunes de pinceaux me semblait adapté à l’univers que je voulais mettre en place.

3 Tu as déjà publié. C'est une étape dans une jeune carrière, comment cela s'est passé pour toi? Qu'est-ce que tu pourrais conseiller à celles et ceux qui seront confrontés à leur premier éditeur?

Mathilde : Meunier, tu dors ? est paru à l’Atelier du poisson soluble en septembre. C’est un livre pour les enfants qui, avant de sortir, a changé plusieurs fois de formes.

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Meunier tu dors ?

Au départ, ce projet était destiné à l’association Dédales qui sort, chaque année, une revue BD et illustration. Le thème de la revue était « La tempête » et j’ai imaginé un projet en lien avec ce thème. Puis, je l’ai envoyé à plusieurs éditeurs et c’est l’Atelier du poisson soluble qui m’a contacté. C’est une maison d’édition que j’aime beaucoup car son répertoire est très varié et plusieurs de ses albums m’ont touché.

Comme le projet était destiné à une revue graphique plutôt adulte, mon éditeur m’a demandé de changer des petites choses afin que l’album s’adresse aux enfants. J’ai donc gommé quelques gros mots, trouvé une fin plus rigolote et modifié le format pour que l’album puisse être imprimé en version cartonnée. C’est un vrai bonheur de sortir son premier livre et d’être accompagnée dans sa réalisation. Mais je pense que le choix de l’éditeur est primordial. J’ai eu la chance d’avoir un éditeur  qui était à l’écoute et avec qui j’ai pû progresser.

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La Belle et la Bête

4 Que retiens-tu de ta participation au Trombone illustré? Connaissais-tu cette aventure éditoriale initiée par Franquin et Delporte?

Mathilde : Comme beaucoup, j’ai connu les idées noires avant de connaître le Trombone illustré. Et c’est par le biais des couvertures de Franquin que j’ai lu le contenu de ce magazine pirate. Pour moi, il représente la naissance d’une BD adulte et iconoclaste au sein d’un hebdomadaire jeunesse.

Je suis ravie de faire partie de cette aventure et d’intégrer une revue collective aussi dynamique.

Travailler dans l’esprit du Trombone illustré m’a permis d’aborder des thèmes que je n’aborde pas d’habitude. Etant profondément athée, Je ne pensais pas un jour dessiner une vierge Marie ou une morue bigote ! Je suis impatiente de voir la revue imprimée et de découvrir les autres dessins.

5 Quels sont tes projets?
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Psautier Hop-Frog

Mathilde : Mon prochain projet est l’adaptation d’ Hop Frog d’Edgar Allan Poe pour Dédales éditions. Il raconte l’histoire d’ un nain qui a été enlevé de son pays natal pour devenir le bouffon d’un roi cruel et amateur de farces. C’est une histoire très noire que j’ai choisi de réécrire sous la forme d’une ballade et d’illustrer à travers une série d’enluminures inspirées de l’imagerie médiévale.

En parallèle, je reviens à l’univers de la pêche et travaille sur une projet d’album jeunesse où des baleines, des monstres marins, des squelettes de pirates et des pieuvres géantes sortent des eaux.,,,

Chloé Schuiten : « Il y a des territoires interdit aux humains. Enfin rien n’est vraiment interdit mais dans les faits aucun humain n’ose y aller. »

 masque (2)1. Raconte ton parcours? Quel a été ton cheminement vers le dessin, l'art...

Chloé Schuiten : J’ai commencé par étudier le stylisme mais je me suis vite rendue compte que je détestais le monde de la mode. Alors j’ai eu envie de raconter et de dessiner. J’ai entrepris un master en narration spéculative où j’ai gouté plein de trucs, j’ai fait de la bd, du cinéma d’animation, de la radio, des films, et j’ai fini par organiser un carnaval en forêt qui rassemblait parait-il 200 personnes, un événement qui a duré un mois et constitué uniquement de participants, une transe dont on n’est pas revenu indemne.

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Marre

Je voulais créer une fête qui réfléchit et désire repenser notre monde, une fête en rupture avec notre quotidien. On ne s’est pas enivré ni drogué parce que ça aurait été la routine. On a vécu tous ensemble dans une galerie en ville pour préparer et inventer la fête, puis on est parti en forêt. Je voulais qu’on ne se soucie pas de l’esthétique mais du sens de nos actes. On était déguisé pour se désinhiber, les costumes étaient faits de ce qui trainait en rue, l’esthétique est née des déchets trouvés. Je suis devenue styliste de l’arrache et des rebuts. Après ça, le « retour à la norme » fut foireux de mon côté. Depuis cet évènement j’ai décidé que mon but n’était pas de trouver de l’argent pour survivre mais de trouver comment virer l’argent de ma vie. Vivre dans le monde mais parallèle à lui.

2. Tu sembles être engagée dans des démarches originales où tu ne te contentes pas d'un petit 'ronron' à ta table de dessin? Explique-nous tes projets et tes démarches et surtout la philosophie qui sous-tend tes expériences?
 Comment construis-tu ces démarches?
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Chloé Schuiten : Le monde dans son état actuel ne me rassasie pas, alors je m’agite à en faire un autre, dedans mais parallèle, fantasmé et réel. Étant donné que l’on est lancé dans le capitalisme à fond et que ça y croit, je réfléchis à des stratagèmes pour vivre autrement dedans. Le voir comme un outil, retourner ces gros défauts en trucs bien pratiques. Par exemple le capitalisme dans son fonctionnement fournit une quantité colossale de déchets. Ces déchets sont pour moi une matière première parfaite, abondante, généreuse, neuve ou presque, gratuite, diversifiée et facile d’accès.  Mon travail de dessinatrice et conteuse se nourrit d’expériences de vie réelles que je multiplie. Je pars sans rien prévoir dormir en forêt, je ne m’habille qu’avec des trucs que je trouve dans la rue et que je transforme, je me fais par exemple un sac à main avec une botte en cuir trouvée sur le trottoir, je pars vivre au milieu des déchets en bord d’autoroute et me construis une cabane qu’avec ce que je trouve sur place, sacs en plastique, canettes, ballon de foot crevé et coque d’imprimante. Je fais des pains avec les miettes récupérées dans les trancheuses des supermarchés. Je pratique le jeûne et la mono diète lors de ces expériences de vie.  En vrai tous les aspects de la vie m’intéressent, j’aime réfléchir à comment les réorganiser, les réinventer et ce en ayant mine de rien l’envie complètement mégalo de changer le monde.

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3. Comment vois-tu ton avenir d'artiste? Qu'est-ce que tu pourrais définir comme ton objectif qui serait une réussite, ou un jalon sur le chemin d'une réussite?

Chloé Schuiten : Le summum serait de ne plus rien faire, plus rien d’utile et de productif mais me consacrer uniquement et totalement à n’être plus qu’un corps en ultra juste et précise connexion avec son milieu. Par exemple vivre dans un buisson d’algue et me laisser flotter dans l’eau de la mer. Viser à optimiser mon humidification par tous les accès possibles, vivre chaque entrée d’eau en moi comme un plaisir hautement libidinal, être complètement camée au sel marin et à sa multitude d’oligo-éléments. Trouver que respirer c’est un truc de frimeur. Se nourrir uniquement des algues contenues dans le buisson et se laisser balader au rythme des marées, en avant en arrière. Être super sensible et émue à ce ballottement et donc évidement ultra connectée et soumise à la lune qui gouverne tout ce bazar de là bas. Qu’à chaque grande marée ce soit la grosse fête, une énorme vague d’émotion en moi, le tremblement épileptique de la jouissance.
Objectif méduse, faite d’eau dans l’eau avec comme seul ami l’eau la lune et leurs mouvements.

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4. Qu'est-ce que ta publication dans 64_page t'a apporté (pour le cas bien sûr où cela est une réussite!) ? Qu'est-ce qui selon toi devrait être mis en place pour soutenir les jeunes créateurs?
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Chloé Schuiten : Je me dis qu’il faudrait mettre en place une école pour après l’école. Parce que l’école c’est quand même ce qu’il y a de mieux, apprendre c’est le luxe absolu. Ce serait bien qu’il y ait un grand bâtiment complètement libre où tous les gens qui y entrent sont autant profs qu’élèves, les rôles n’arrêtent pas de tourner, tellement que plus personne ne s’y retrouve. Dans cette école le sommeil serait estimé à sa juste importance, partout il y aurait des matelas et autres formes expérimentales de dispositifs de sommeil qui trainent. D’ailleurs l’école serait squattée en permanence par plein de clochards. Il y aurait des gars que l’on ne verrait jamais éveillés, ce sont les gros pros, les grosses têtes de l’école, parait même que le directeur traine là dedans. Ce serait une école où l’on apprend tout ce que l’on veut, on y va quand on veut. Puis on n’y va plus aussi. On lui envoie des cartes postales quand elle nous manque et il y a toujours un type qui s’amusera à y répondre. Dans cette école il fait tout le temps super chaud, pas parce que l’on y met le chauffage non faut pas croire qu’elle a la tune pour ça cette école, mais parce qu’il y a toujours un monde dingue qui y gigote et qui, à la manière des abeilles, fait en sorte d’y maintenir une chaleur digne d’une hutte de sudation. Ça y sent l’humain à fond mais pas que, ça sent aussi le bouc et la sueur canine, la bouffe en putréfaction, les armées de bactéries et les hordes de chats. Il y a des territoires interdit aux humains. Enfin rien n’est vraiment interdit mais dans les faits aucun humain n’ose y aller. Ce qui est sûr c’est que ça expérimente dans tous les sens et que quand elle sera mise en place cette école c’est là que je zonerai.

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