Catégorie : Interview

FJ Bubblenoise: « Je cherche à dessiner l’idée d’un objet plutôt que l’objet lui-même. »

francois-joseph-bubblenoiseFJ Bubblenoise est à la fois le nom d’auteur et celui de son personnage. Un personnage polymorphe qui change de rôle rien qu’en changeant de chapeau… Un dessin simple, expressif et efficace au service de gags d’un humour débridé, absurde ou poétique. Un auteur à découvrir de toute urgence. Ne serait-ce que pour sa recréation de Suske et Wiske (Bob et Bobette). FJ Bubblenoise a été publié dans le dossier Vampires de 64_page #3 (juin 2015) et exposé au Centre Belge de la BD en 2015 Dans l’expo « Noces de papier » de 64_page.

  1. Tu as créé un personnage très original, Mister Bubblenoise, qui se retrouve dans des aventures très différentes: Bubbleman, Monsieur Komix, l'agent 69 mais aussi Amélie Poppins, Clitoris ou Suskeu et Wiskeu... Comment est né ce personnage? Ses aventures sont autobiographiques?

FJ Bubblenoise: Monsieur Bubblenoise, tel qu’on le connait maintenant, est vraiment né fin 2013. Cela faisait un an, qu’après 16 années sans quasi toucher un crayon, je m’étais timidement remis à dessiner sous l’insistance de ma compagne, Amélie Poppins. J’ai fait une sorte de petit zine de 16 pages, qui s’appelait déjà « De Bric & De Broc » et qui est maintenant épuisé, dans lequel j’ai vraiment mis en place les personnages de Monsieur Bubblenoise, d’Amélie Poppins et de Clitoris…Parfois les histoires sont totalement autobiographiques, comme « La Première Fiancée de Monsieur Bubblenoise », mais d’autres moments c’est de la fiction pure. La plupart du temps, je pars d’une anecdote réelle autour de laquelle j’extrapole afin d’arriver à créer quelque chose d’humoristique…J’aime me moquer de mes personnages.

  1. Comment envisages-tu la suite des aventures de Bubblenoise? Et expliques-nous comment tu travailles, comment naissent ces aventures décapantes même déconnantes?
dessin-2

FJ Bubblenoise et Amélie Poppins

FJ Bubblenoise: Je n’ai pas d’objectif particulier… Je veux avant tout dessiner pour le plaisir, sans contrainte. J’ai une idée, j’ai envie de faire ça, alors je le fais… Je dessine pour quelques fanzines uniquement lorsque le thème m’inspire. J’accorde énormément d’importance au dessin et à la couleur. Je cherche à avoir un dessin extrêmement épuré, le plus simple possible. Je cherche à dessiner l’idée d’un objet plutôt que l’objet lui-même. Suggérer plutôt que représenter. Et pour les couleurs c’est la même démarche. Je me limite dans ma palette de couleurs. Pour Monsieur Bubblenoise, comme je le disais, je  cherche à me moquer de moi-même à travers ce personnage, c’est ainsi que naissent les histoires de monsieur Bubblenoise… Je cherche aussi à me moquer (gentiment) de ma compagne, Amélie Poppins… mais là, je dois  faire attention… mais ça va, la plupart du temps elle apprécie et ça la fait rire…

dessin-5

Le dessin aérien et précis de FJ Bubblenoise, quand la Ligne Claire se décoince…

  1. Tu t'es auto-publié, par soucis d'indépendance? As-tu couru les éditeurs traditionnels de la BD dites franco-belge? Si oui, qu'est-ce qu'ils disent de ta production humoristique?

FJ Bubblenoise: Oui, comme je le disais, je ne veux pas de contrainte. Je veux dessiner quand j’en ai envie et ce que j’ai envie. J’ai travaillé pendant plus de 10 ans pour des éditeurs traditionnels sous mon vrai nom, et je ne tiens pas à recommencer, surtout à l’heure actuelle. Donc non, Monsieur Bubblenoise ne cours pas les éditeurs traditionnels de BD dites franco-belge… Les éditeurs cherchent des auteurs « rentables » pas des types comme moi qui ne vont rien produire pendant un mois parce qu’il fait beau et qui trouvent plus agréable de se promener en Vespa que de rester enfermé dans leur atelier. J’ai un boulot « alimentaire » qui me permet de vivre et une passion qui me permet d’être heureux… que demander de  plus.

  1. Comment vois-tu la suite des aventures des Bubblenoise, l'auteur et son personnage?

FJ Bubblenoise: Alors mes projets pour le moment ne concerne pas vraiment Monsieur Bubblenoise mais plutôt Suskeu & Wiskeu. Bien que Suskeu ayant 3 poils au menton, on peut y voir une autre incarnation de Monsieur Bubblenoise. Je viens de réaliser  quelques « Belles Images de Suskeu & Wiskeu » sous le nom de Willy Bubblesteen en tirage (très) limité. Et je compte en réaliser d’autres dans les mois à venir. Bob et Bobette est « ma madeleine de Proust ».

dessin-3

Les aventures déjantées de Suskeu & Wiskeu

dessin-4Mon grand-père possédait les premières éditions, celles qui alternaient pages bleues et pages brunes, ainsi que quelques tomes de la collection bleue du Lombard. C’est dans ces albums que j’ai appris à lire et plus particulièrement dans « Le Trésor de Beersel »… Avec Suskeu & Wiskeu, je me replonge dans cet univers mais avec un autre regard… un peu moqueur mais toujours avec beaucoup de tendresse pour ces personnages qui étaient mes amis d’enfance. Et en ce moment, c’est un scoop, je suis sur une histoire courte intitulée «  L’histoire tragique mais néanmoins vraie de Willy Bubblesteen » et que je destine à … 64_Page…enfin si la rédaction, au risque de perdre toute crédibilité auprès de la profession, ose publier un truc aussi absurde et débile. (hahaha … ! Wait and see comme on dit !

dessin-1

Aux Éditions Mademoiselle Zoé, l’album De Bric et de Broc ou le Bric à Brac ordinaire de Monsieur Bubblenoise. sur commande, 10 € à l’adresse leseditidionsmademoisellezoe@gmail.com


 

Kristina Tzekova : « Je médite beaucoup. Cette pratique me positionne dans un état de contemplation pure »


000067Kristina Tzekova possède un beau regard intérieur sur la vie et ses choses. Choses de la vie qu’elle nous restitue dans des récits poétiques et vibrants. Kristina a été publiée deux fois par 64_page, dans nos numéros #3 (avril 2015) et #8 (septembre 2016). Kristina expose jusqu’au 23 octobre au Centre Belge de la BD dans le cadre de l’expo 64_page, la suite…

  1. Peux- tu nous expliquer ton parcours personnel et ce qui a déclenché ta vocation pour le dessin?

Kristina : J’ai le souvenir d’un moment précis à la maternelle. Je dessinais une maison rouge brique avec une forme de toit très étrange et des arbres. Je devais avoir 4 ans et je me sentais incroyablement bien. Les années qui ont suivis, je recopiais tout : Martine, Bambi, Winnie l’ourson, Mickey, Sailor Moon, Dragon Ball, les Simpsons…

00004

Kristina s’est découvert une vocation de dessinatrice en dessinant une vache au bord d’une rivière, pour 64_page elle nous a offert Sea Dance. Une splendide de biche dans les vagues;;; (in 64_page #8)

A 7 ans j’ai gagné un concours. J’avais dessiné une vache et autres animaux au bord d’une rivière. Quelle fierté! Ce sentiment s’est incrusté profondément en moi. Je voulais être « dessinatrice ».

  1. Tu utilises des supports minuscules, je pense à Sea dance, et tes dessins sont non seulement très réalistes mais très détaillés, d'où te viens ce talent de miniaturistes?

Kristina : En général, mon trait s’adapte à ce que je vois/ressens. Parfois il se fait très précis, et parfois il est plus brut, aérien, spontané. Cela dépend.

0003

La scène de cette biche qui s’amuse avec les vagues de la mer est tirée d’une vidéo d’internet. Je l’ai trouvée sublime. Pour retranscrire cette grâce, je me suis appliqué du mieux que je pouvais. Ca m’a pris des semaines. Ce fut même un travail méditatif car il me fallait être pleinement dans l’instant, ne surtout pas brusquer les choses pour éviter de m’impatienter. Comme cette biche qui profitait de chaque seconde.

  1. Il y a dans ta narration une réelle poésie, une respiration. Comment conçois-tu tes histoires? Explique-nous ton travail préparatoire...

Kristina : Je médite beaucoup. C’est une pratique qui, au quotidien, m’apprend à me positionner pleinement dans un état de contemplation pure. C’est aussi ce que cherche à dévoiler mon travail : ce mouvement intérieur qui ne s’explique pas avec les mots. Une femme qui se coiffe, qui se déshabille, qui penche la tête, un regard furtif, elle se met à pleurer, ou bien le mouvement des feuilles dans les arbres, une éclaircie. Ce sont des événements très banaux en soi. Mais c’est comme s’ils contenaient un bout d’éternité, quelque chose de souterrain qui reste quoi qu’il arrive. Le temps s’arrête, alors même qu’on le sent passer, subtilement, au fil des cases.

0003

Lorsque je dessine, je me place en tant qu’observatrice, simplement. A partir de cet état, les choses se révèlent d’elles-mêmes et je n’ai plus qu’à montrer, à mon tour, ce que j’ai découvert.

  1. Comment vois-tu ton avenir proche? As-tu des projets d'édition? Quel public aimerais-tu toucher?

Kristina : L’avenir n’est que le prolongement de ce que nous faisons dans l’instant! Alors je me vois toujours en train de dessiner.Internet est un outil fantastique. Je suis continuellement en lien avec d’autres artistes très inspirants, partout dans le monde. C’est motivant. Récemment Joost Swarte m’a invitée à participer à un tout nouveau projet de magazine « Scratches ». Je suis très impatiente de voir le résultat. Sea Dance y sera dévoilé dans son entièreté — 6 planches.

Pour le moment j’auto-édite mes livres et je participe à plusieurs festivals dans les mois à venir. J’ai aussi quelques collaborations intéressantes qui se profilent.

0002Le public que j’aimerais toucher est un public qui est prêt à s’arrêter un instant, à mettre le mental entre parenthèse et à simplement regarder.


 

Lison Ferné : « Les enfants adorent les histoires gores ! »

  • lison-avat
  • Lison Ferné nous a déjà proposé deux histoires courtes pour les 64_page, Ice man dans le #3 et Barbe Bleue dans le #8. Le dessin expressif de Lison déroule des ambiances fascinantes à ses  récits sans parole. Lison expose jusqu’au 23 octobre 2016 au Centre Belge de la BD à Bruxelles. 
    Comme tous et toutes les dessinateurs/trices de BD, tu dessinais déjà dans ton berceau? Ou as-tu un parcours plus original? Raconte?

Lison : Oui, j’ai vraiment toujours adoré dessiner, c’est quelque chose de l’ordre d’un plaisir naturel pour moi.
Le dessin me permet de m’amuser, de me détendre mais, aussi, de m’exprimer.
Ce n’est pas vraiment original du coup, mais je voudrais répondre aux gens qui ont souvent dit autour de moi que le talent artistique est innée et ne s’apprend pas: je pense que c’est faux, si on aime faire du dessin, naturellement on progressera en dessin, comme si on aime faire de la musique, de la cuisine etc., on progressera dans ces domaines en s’y entraînant. C’est vraiment le goût pour la chose qui fait le talent de mon point de vue.

portraits-recherche

Tu as terminé ton bachelor à l'erg, est-ce que ses études correspondaient à tes attendes? Quelles sont tes découvertes sur le monde des artistes et des créateurs?

Lison : J’ai terminé mon bachelor à l’ERG mais je suis en cours de master :).
Ce que je peux dire sur l’école, c’est qu’elle m’a beaucoup plu, car j’avais besoin  après une école parisienne très cadrée, de plus de libertés. Je pense qu’elle convient mieux aux personnes déjà autonomes, qui sont capables de travailler sans devoir être poussées par des profs pour obtenir une cote. En effet, on est vraiment souvent laissés seuls face à nos projets et il faut savoir se gérer. L’erg est une école ou il faut prendre soi-même des initiatives pour que les choses se passent. J’ai eu de la chance d’avoir de très bons profs d’atelier qui nous faisaient partager leurs « bons plans » (comme celui de 64 page* !) pour nous propulser dans la vie professionnelle, ça m’a beaucoup touché.
Je ne suis donc pas encore rentrée dans la vie professionnelle proprement dite, mais pour l’instant les aperçus que j’ai pu en avoir, comme les expos de 64 page au CBBD, ont l’air sympas.

femmes1femme

Tu as travaillé sur le conte Barbe Bleue. Tu peux nous expliquer ce qui t'a motivée et nous parler un peu de ce projet? La façon dont tu l'as abordé? Les recherches? Les essais?

Lison : Les contes de fées sont souvent la base de mes travaux. Ce sont des univers qui m’ont marqués enfant. Ils portent en eux beaucoup de notre société et quelque chose de fondamentalement humain et universel au point que c’est une matière inépuisable, je pense. Le conte de Barbe Bleue en particulier, est assez fascinant: imaginer qu’un univers si glauque et sombre puisse être raconté aux enfants depuis la nuit des temps !

D’ailleurs les enfants adorent les histoires gores.

Ce qui m’a intéressé en particulier dans ce conte, c’est la mise en garde sous-jacente des épouses vis-à-vis d’un potentiel mari violent. C’est un des rares contes populaires ou la violence masculine se dévoile dans toute sa réalité. Ces sujets de violence conjugale sont d’actualité à l’époque de Perrault aussi bien qu’aujourd’hui et c’est cela que j’ai voulu représenter.

barbe-bleue-extrait-1
Au départ, je voulais représenter le conte de manière assez classique dans un univers moderne. Finalement je me suis arrêtée sur une image ou l’épouse réagit et tente de se défendre et de prendre le dessus sur Barbe Bleue. On peut appeler ça de l’auto-défense. Je voulais changer la fin du conte: que l’héroïne soit un des moteurs et actrice de son sauvetage. J’ai préféré laisser la fin en suspend pour que le lecteur puisse imaginer ce qui lui plait.

Comment envisages-tu la suite? Quels sont tes projets et comment les prépares-tu?

Lison : J’ai encore beaucoup d’histoires à raconter, même revenir sur certaines histoires et les retravailler, à la limite. Je travaille en ce moment sur un projet de gravure sur bois sur la thématique de la sorcière, et sur une bande-dessinée dans laquelle l’héroïne est une pirate. Il se peut que ces projets changent beaucoup de thème au cours de l’année, mais pour l’instant c’est ça !

2-cases

Pour la suite, j’espère réussir bientôt à publier un premier livre et commencer une carrière professionnelle.

  • Olivier Grenson est prof à l’ERG

 


 

Remedium: « Dessiner pour comprendre les maux du monde »

     autoportrait_remediumRemedium est un des jeunes auteurs publiés par 64_page, une première fois dans notre #4 et ensuite dans le #8. Á ce titre il a participé à nos deux expositions au Centre Belge de la BD. Son personnage de maire égocentrique et raciste a suscité la curiosité des meilleurs médias français.

Titi Gnangnan est ton personnage fétiche, il t'a fait connaître et t'a, enfin son incarnation dans la vraie vie un obscur maire LR, compliqué la vie. Peux-tu nous raconter sa naissance, ton inspiration et son avenir?
interview_illu02

© Remedium : Titi Gnangnan (2015)

Remedium: Titi Gnangnan s’est imposé à moi. Je faisais beaucoup d’autres choses auparavant et j’espère en faire beaucoup d’autres après. En 2014, un type obscur à l’égo surdimensionné et aux idées nauséabondes s’est fait élire à la mairie de ma ville. Ses deux premières mesures ont été de se débarrasser du camp de Roms qui bordait la ville et de poser un peu partout en photo, transformant les murs de la ville et les pages du journal municipal en galerie à sa gloire. J’ai voulu offrir un contrepoint à la propagande abjecte qu’il mettait en place. Ainsi est né Titi Gnangnan, le pendant dessiné de cet obscur maire. Beaucoup de gens, de la ville ou non, se reconnaissent dans ce projet qui dépeint avant tout un homme politique inculte, raciste et démagogue, comme on en connait tous. Et beaucoup encouragent le projet également parce que l’obscur maire s’est empressé de porter plainte en diffamation et de m’expulser, avec mon nouveau-né, du logement que j’occupais qui appartenait à la ville  …

interview_illu01

© Remedium : La poudre aux yeux (2016)

Tu as choisi d'être, pour paraphraser Léo Ferré, un dessinateur de variétés, tes BD sont dures et sans fard, ton style résolu, libre, précis, efficace... et très personnel. Pour toi la BD est un engagement. Dans cette époque où la BD est souvent assez légère, voire nombriliste, d'où vient ce désir de parler franc, d'être net, de porter un message sans concession?
interview_illu03

© Remedium : La troisième mort (2014)

Remedium: Chez moi, la création répond toujours au besoin cathartique de comprendre les maux du monde et les miens pour mieux vivre avec à défaut de les résoudre. Je dépeins le monde tel qu’il est et pas tel qu’il devrait être, ce qui chagrine beaucoup certains éditeurs, qui vivent souvent dans un déni de réalité. J’envisage la BD comme un sport de combat ; donner des coups et toucher juste. Pour faire simple, je n’arrive pas à trouver la force de créer quelque chose qui a déjà été fait ou qui ne sert à rien. Je laisse les BD nombrilistes aux autres, elles ne m’apportent rien en tant que lecteur et ne m’apporteraient rien en tant qu’auteur. Désireux de dépeindre une intimité non biographique, je m’assure, avant de proposer une BD aux lecteurs, qu’elle apporte, non pas une vérité péremptoire, mais une pierre à l’édifice de tel ou tel débat, en restant honnête et vrai.

interview_illu04

© Remedium : La troisième mort (2014)

Comment envisages-tu ton avenir proche? Et dans 10 ans?
interview_illu05

© Remedium : La maîtresse de maison (2016)

Remedium : J’ai toujours eu du mal à envisager mon avenir, même proche ; la vie tient à un fil si ténu qu’il m’est devenu difficile de tirer des plans trop ambitieux. J’espère réussir à arracher davantage de précieuses minutes à ce temps qui nous broie pour continuer le plus longtemps possible à m’investir dans des projets originaux, de ceux qui vous donnent le sentiment, pendant un très court instant, d’écrire un bout d’éternité.

Retrouvez Remedium sur www.lacitedesesclaves.org  

ou sur facebook.com/remedium.timoris



			

Page 3 of 3

Powered by WordPress & Theme by Anders Norén