Étiquette : Interviews jeunes auteurs

Patrice Réglat-Vizzavona: « C’est par pure nécessité que mon héros est devenu myope et fut contraint de porter des lunettes. »

  1. portrait2Tu as participé à deux éditions de 64_page, les #4 de septembre 2015 et le #8 de septembre 2016, et aux deux expos au Centre Belge de la BD, qu'est-ce que cela t'a apporté? Qu'est-ce que en tire comme enseignement pour la suite de tes projets ?
Qu'est-ce que 64_page - ou d'autres - devrait mettre en place pour promouvoir les jeunes auteurs?

Patrice Réglat-Vizzavona: Qu’est-ce que ça m’a apporté ? Un peu de confiance en moi, des rencontres, mais surtout de la motivation, parce qu’une une fois que ton travail est accroché là-bas, ça te fait réfléchir, tu te balades dans les expos et puis tu passes devant tes planches en te disant qu’il y a encore pas mal de boulot.

Pour la suite ? Bosser plus et puis garder un œil sur les accrochages des futures expos (rires)

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Gravure

Question promo, je ne sais pas trop. Pour 64_Page j’aimerais bien des numéros à suivre, je trouve que ça aide le lecteur à se souvenir, ça pousse aussi les gens à s’abonner. Mais bon peut-être que je suis un peu vieux jeu et que ce n’est plus trop d’actualité. Et puis peut-être améliorer la forme de la revue, en prenant de la distance on peut se demander si c’est une revue de BD, une revue sur la BD, ou un catalogue de BDs, dans tous les cas c’est BD ça c’est sur, mais je pense qu’il y aurait moyen de rendre le tout plus clair. Dans une optique plus directe, peut-être qu’organiser des rencontres avec des éditeurs serait une bonne chose.

Mais je pense que le principal pour promouvoir un auteur c’est de le publier et la prépublication est pour moi une solution relativement simple, qui permet à l’auteur de se former dans ses jeunes années. Mais c’est peut-être un format qui s’essouffle un peu quand on regarde ce qui se fait maintenant chez les grandes maisons d’édition.

La revue Pandora est un bon exemple du climat actuel. Une revue de récits cours et inédits qui plus est de fiction, c’était du pain béni compte tenu de la prédominance de la BD documentaire qui me fatigue un peu. J’étais impatient de lire ça, je m’attendais à des réminiscences de l’esprit (A SUIVRE), avec des auteurs inconnus. Mais en fin de compte c’est uniquement des auteurs relativement bien installés dans le métier qui dessinent là dedans.

Donc je pense que c’est en grande partie à l’auteur de se promouvoir en faisant preuve d’initiative et en participant à des projets.

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Eaudouce – gravure

  1.  Lors de l'exposition de 64_page, la suite... en 2016, tu as présenté un extrait de quatre pages de Herser un projet beaucoup plus ambitieux. Expliques comment tu travailles? Scénario, découpages, recherches, documentations, croquis préparatoire? On veut tout savoir...

Patrice Réglat-Vizzavona: En fin de compte, j’ai écrit cette histoire sans faire de scénario à proprement parler. J’ai commencé en faisant une sorte de time line reprenant tous les éléments importants de l’histoire de façon chronologique, l’apparition des personnages etc… Ça m’a déjà pris pas mal de temps parce que je voulais que le lecteur se pose des questions.

Une fois que j’ai eu ma time line, j’ai commencé directement le découpage. Je ne suis pas très familier avec l’écriture, j’ai tendance à en rajouter des tonnes, à faire des phrases à rallonge, alors j’ai juste dessiné.

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Herser page 16 – crayonné

Du coup, j’ai un story-board qui n’est pas très lisible parce que pour ne pas oublier mes idées je devais dessiner super vite. Lorsque j’ai commencé mon story-board, j’étais encore à l’école et je devais le montrer à mes profs. Mais parfois, mes dessins étaient tellement vite faits qu’on ne parvenait même pas à reconnaître les personnages, du coup, j’ai dû leur ajouter des signes distinctifs. C’est par pure nécessité que mon héros est devenu myope et fut contraint de porter des lunettes. (rires)En parallèle, j’ai fait pas mal de recherche documentaire, surtout pour les passages en bateau, il fallait que ce soit crédible. Je voulais que l’histoire commence sur un huis clos et je trouve que le bateau est la meilleure illustration de cette idée. Mais si j’ai fait ce passage c’est aussi parce que je savais où trouver la doc’.

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Herser page 16 – définitif

Quand il était plus jeune, mon père habitait à Marseille. Avec son frère et un ami à lui, ils ont retapé un huit mètre à voile, puis ils sont partis à trois au Sénégal. Son ami est resté et vit toujours là-bas aujourd’hui. Puis à deux, ils sont repartis et ont traversé l’atlantique jusqu’au Brésil. Il a fait pas mal de diapos de ce voyage et je les regardais souvent quand j’étais petit.

Du coup, j’ai récupéré ces images et je lui ai posé plein de questions sur le fonctionnement du bateau, la navigation, la vie à bord.

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Herser – Couverture

Il m’a expliqué plein de choses et m’a même fait un plan du bateau avec les dimensions et l’emplacement du moteur, des couchettes, les astuces qu’ils avaient trouvés pour gagner de la place, ils avaient bricolé ça super bien. Grâce à tous ces éléments, j’étais capable de dessiner tous les angles de vue que j’avais en tête.

Le reste de l’histoire n’est pas situé géographiquement, dons la plupart du temps j’invente les décors,

je me sers pas mal de mes souvenirs pour créer les environnements même si je continue de me documenter au fur et à mesure de mes besoins.

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reveherser-en cours (gravure)

Pour les planches finales, je suis passé par pas mal de phases, j’ai testé beaucoup de choses. Mais le premier test concluant que j’ai fait c’était en gravure sur métal, je voulais quelque-chose avec des valeurs de gris, des aplats, du coup j’ai fait une page en aquatinte. Le rendu me plaisait, mais c’était vraiment long pour un exemplaire unique du coup j’ai décidé d’essayer d’approcher ce rendu au lavis.
Aujourd’hui, je travaille beaucoup à la table lumineuse. Je fais mes crayonnés sur du papier machine très fin, je découpe, je refais une case, un élément, un visage, et une fois que je suis satisfait j’encre sur ma planche définitive à la table lumineuse. Ça me permet de gagner beaucoup de temps parce que je peux recadrer, refaire certaines cases si j’ai fait une tâche et puis je n’use pas mon papier qui réagirait mal avec le lavis par la suite.

Une fois que j’ai fais tout ça, je pose mes lavis pour donner une ambiance à la planche. Je me rends compte en écrivant que c’est assez artisanal !

  1.  Tu auras bientôt un récit publié? Ce serait un récit érotique, peux-tu expliquer ce projet?

Patrice Réglat-Vizzavona: Oui, il s’agit d’une série d’histoire courte qui s’appelle « Maudites ».

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Maudites – Couverture

Au début, j’avais juste envie de faire de l’érotique pour améliorer mon dessin et c’est ma copine qui c’est collée au scénario. On c’est vraiment amusé à faire le premier épisode, C’était vraiment drôle pour moi de voir de quelle manière elle tournait les choses. Et puis on c’est pris au jeu et on a eu envie d’en faire d’autres.

Du coup, elle a écrit quatre histoires courtes au total, elles sont toutes inspirées de la mythologie. La première histoire s’appelle « PZ66″et est inspirée du mythe des sirènes scandinaves, la deuxième s’appelle « M » et … sort en décembre si tout se passe bien!

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Maudites page 8 cases 1, 2 et 3

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Pour le moment c’est seulement pré-publié numériquement sous le label « Dynamite » de la Musardine. Ils se servent du numérique pour sonder un peu le public et sortent une de nos histoires tous les trois mois. Du coup on espère que ça plaira et que le recueil sortira en papier lorsque j’aurai achevé les dessins.

  1.  Comment vit un jeune auteur? Quelles sont tes contraintes? Comment concilies-tu ton travail de création et les essentiels, te loger, manger, te cultiver, ... Selon toi, qu'est-ce qu'il faudrait mettre en place pour que les jeunes auteurs puissent, après le master, continuer à se former tout en ayant la possibilité de publier, de montrer leurs travaux?

Patrice Réglat-Vizzavona: Comment je vis ? Plutôt simplement je pense. Je ne sors pas beaucoup pour ne pas me détourner de mes objectifs. J’ai mon atelier chez moi, du coup je suis assez sédentaire. Pour palier au mode de vie assis, je fais un peu de sport. Je suis aussi inscrit dans une académie de gravure à Etterbeek où je vais plusieurs fois par semaine.

Pour le moment, je ne gagne pas grand chose avec mes dessins alors je fais la plonge dans un restau, ce n’est pas glorieux, mais ça te rappelle quel boulot tu ne veux pas faire toute ta vie.

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Maudites page 2

Je ne suis pas allé jusqu’au Master, j’ai simplement un Bachelot en Illustration et je pense qu’il existe déjà pas mal de chose pour les jeunes auteurs. A mon avis, ces choses là sont relativement à notre portée si l’on fait preuve de discipline.

Mais je pense que pendant les études, les profs devraient mettre l’accent sur la construction des dossiers d’édition, car c’est pour moi une étape très importante pour démarcher les éditeurs, surtout à notre époque où les revues de prépublications sont très peu nombreuses et où il faut tout de suite arriver avec un projet d’album.

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La flèche – gravure

 

 

Pierre Mercier : « Au théâtre il n’y a pas que le jeu et le texte, les personnages peuvent se retrouver à changer d’espace, de temps et de lumière ».

Pierre Mercier fait partie de la « promotion » 2015 de 64_page, depuis deux années que nous le connaissons, il a multiplié les expériences intéressantes et enrichissantes. L’occasion d’en parler avec lui… 


1. Explique-nous ton parcours. Qu'est-ce qui t'a amené à suivre des cours de dessin, de venir à l'ERG à Bruxelles? Et ce que cela t'a apporté?

Pierre : Je suis arrivé à l’ERG (un peu) par hasard. Quand on a commencé à nous parler de métier, je savais que je voulais dessiner et j’ai alors choisi l’illustration. J’ai passé mon bac STI Arts Appliqués (section artistique) et j’ai atterri à La Souterraine en BTS (2 ans) en communication visuelle. Ensuite j’ai tenté Illustration Scientifique et Médicale à Paris. J’ai raté le concours mais une de mes profs de BTS nous avait parlé des écoles bruxelloises. J’ai donc postulé à l’ERG (puisque la Cambre n’enseigne pas la BD ou l’illustration et que les frais de dossiers étaient plus chers à St Luc, je crois. Bref) et je suis arrivé directement en BAC 2. J’ai l’impression que l’ERG a autant de qualités que de défauts, et les deux pourraient se résumer à la liberté qu’on y a. Tout en suivant l’atelier d’illu-BD, j’étais aussi au fil des années en cours de gravure sur métal, d’art numérique et d’animation. Je parlerais pour la section narration, mais aucun prof ne vous dit vraiment ce que l’on DOIT faire. Si tu ne travailles pas ce n’est pas vraiment le problème des profs, tu es tout seul à en pâtir. C’est à toi de savoir ce que tu veux faire, comment et d’organiser ton temps pour, sinon, et bien tu glandes. C’est cool, mais au final tu n’es pas allé bien loin.

2. Tu as publié dans le 64_page #2 (avril 2015) un extrait fascinant d'un projet très vaste Le Palais, que devient ce projet? Est-ce que tu y travailles toujours?
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Le Palais (publication dans 64_page #2, janvier 2015, extraits)

Pierre : Et bien il est en pause depuis un moment ! C’était mon travail de M1, et en M2 je me suis lancé dans la couleur et dans un autre projet. Il s’avère que je vais me replonger dedans avec deux amis, Vérane Rebet et Noam Rzewski. Vérane, qui avait suivi sa réalisation, s’en était inspiré pour un atelier son à La Cambre, et elle avait demandé de l’aide à Noam (le créateur sonore du projet Jungle Space in America, dont je fais partie). L’idée était, en gros, d’en faire la bande son, d’en faire une déambulation sonore. Je n’avais pas du tout participé à ce travail mais ils m’ont proposé de pousser plus loin le projet, ce que j’ai tout de suite accepté. L’idée est de mélanger BD, son, scénographie et maquette, puisque je voulais en Master qu’il y ait un dialogue entre maquette et dessin. Affaire à suivre donc.

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Le Palais – Carte visions

 

3. Parle-nous de projet collectif Jungle Space in America, raconte la genèse de ce projet et son évolution future ?
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Centrale Hydraulique

Pierre ; En septembre dernier je suis parti en résidence de création à Talange (FR) avec quatre amis qui sortaient de mise en scène à l’INSAS et de scéno à la Cambre, pour créer une pièce de théâtre sans paroles, Jungle Space in America, inspirée d’une nouvelle de H.P. Lovecraft.

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Jungle Space in America

Au départ je ne devais faire qu’une sorte de carnet de bord, une documentation dessinée de la résidence. Mais on a très vite voulu aller plus loin ; sont alors nées les parties installation et bande-dessinée du projet. Il s’avère que chacun d’entre nous avons un rôle et une pratique de prédilection au sein du collectif ; il y a Noam, dont j’ai déjà parlé, qui s’occupe du son, Léonard Cornevin de la lumière, Marie-Laeticia Cianfarani de la scénographie et Camille de la mise en scène. Mais nous travaillons en collectif où chacun suggère des idées aux autres, dans toutes les disciplines. Nous ne restons pas cantonnés. Il y a deux jours se terminait Visions aux Halles de Schaerbeek où l’on a présenté notre première étape de l’installation. Il y aura notamment une présentation de la pièce à Talange, la sortie de la 1ere partie de la BD, Jungle, avec une expo aux Halles Saint-Géry et aussi la création d’une forme « Conférence », toujours en lien avec ce projet, un brin tentaculaire.

4. Tu vas en Avignon pour participer à une résidence artistique, expliques-nous ce projet? Ce que tu en attends? Et aussi quels sont tes autres projets?

Nous y sommes déjà avec ERSATZ, le même collectif que pour JSA, mais pour un autre projet de théâtre et d’installation, Quelques Rêves Oubliés. Il s’agit du travail de fin d’études de Camille, une adaptation d’un texte jamais monté ou édité en français, de Oriza Hirata, auteur japonais. Ici, à La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, nous travaillons uniquement sur la technique. Et comme pour JSA, le dispositif scénique a une place prépondérante.

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Jungle Space in America 1

La lumière, le son et la scénographie sont des « personnages » à part entière, ou en tout cas ils sont au même niveau que les comédiens. Ils permettent, comme la 2D et le dessin, de témoigner des présences étranges inhérentes au réalisme onirique de ce projet, de ce texte. Nous serons par ailleurs en avril prochain en résidence au Japon, cette fois avec les trois comédiens (Gwen Bérou, Pauline Gillet et Aurélien Dubreuil-Lachaud), et où je continuerais l’archive dessinée du projet.

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Quelques rêves oubliés…

Au théâtre il n’y a pas que le jeu et le texte. En traversant un châssis ou un élément de scénographie, les personnages peuvent se retrouver à changer d’espace, de temps et de lumière. Exactement comme sur une planche de BD. Si cela a été un réelle découverte, elle m’a beaucoup et continue de m’apporter et de m’inspirer dans le dessin. Et dans le cas de notre collectif, cela fonctionne aussi dans l’autre sens.

Pour l’instant je suis pas mal occupé avec tout cela mais je voudrais reprendre mon travail de Master 2, un dialogue quasi fantastique entre 2 employés d’une centrale hydraulique souterraine confrontée à une panne plus qu’inattendue, puisqu’en principe inexistante. J’aimerais aussi faire de l’illustration pour la presse, mais je n’ai encore engagé aucune démarche.

 

Éléonore Scardoni: « L’expérience sur l’île d’Utö, source de nouveaux projets de récits ».

autoportrait-eleonoreÉléonore Scardoni, un talent tout en finesse, tout en nuance, à découvrir sans tarder.

En perpétuelle recherche, elle ne pourra que vous étonner par ses récits, ses beaux dessins, ses récits entre rêves et réalités.

  1. Racontes-nous ton plaisir de dessiner, d'où te vient-il? Qu'est-ce que t'a apporter ta première publication dans 64_page en janvier 2015? Et les deux expos auxquelles tu as participé au Centre Belge de la BD ?

Éléonore Scardoni: Je dessine depuis que je suis petite. Avec papa. Pour m’occuper, pour me concentrer, pour me calmer et m’aider à réfléchir. Je n’ai jamais eu une grande aisance à l’oral finalement planqué derrière mon crayon je suis bien.

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Ma première publication dans 64_page, c’était déjà m’a première vrai publication tout court. La première fois que je donnais mon travail à quelqu’un pour le voir publier des mois plus tard dans une revue. J’ai vu ça comme un réel de motivation, c’est peut être possible faire ce que j’aime.

Pour les expositions, c’était de belles opportunités d’être exposé au Centre Belge de la bande dessinée de Bruxelles.

  1. Tu es parties une année à Helsinki (corrige-moi si je me trompe!), quel était ton projet? Qui as-tu découvert? Comment vas-tu utiliser cet acquis dans tes projets? Images-tu une suite, un nouveau séjour en Finlande?

Éléonore Scardoni: Oui je suis partie un an en Erasmus en Finlande à Helsinki. C’est dans l’Académie des beaux arts de Helsinki, en pôle image imprimée, que j’ai eu la change de continué ma pratique de la gravure métal. J’ai exploré et ouvert mon champs de vision sur une approche plus contemporaine et expérimental de la gravure.

Après la Finlande est un pays fabuleux, il y a un climat, une luminosité et une nature qui influence beaucoup le rythme de vie des ses habitants et cela même en ville.

Là-bas, je suis partie faire une résidence sur l’île d’Utö, située dans la mer Baltique, loin de la terre ferme. La vie quotidienne sur cette île va au gré de la nature et est très dépendante des conditions météorologiques.

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L’expérience de Utö et de rythme de vie scandinave sont les déclencheurs et les moteurs pour de nouveaux récits en bande dessinée et de nouveaux projets en gravure.

D’ailleurs les quatre pages publiées dans le numéro 8 de 64_page en septembre ont pour titre « Utö » et sont une première exploration graphique de l’île, et je travail actuellement sur de nouvelles explorations qui j’espère aboutirons à un récit complet.

Un nouveau séjour en Finlande, peut être, mais je me laisserais bien tenter par une résidence dans un autre pays scandinave.

  1. Comment conçois-tu un récit, une BD? D'où prends-tu ton inspiration? Comment travailles-tu?

Éléonore Scardoni: Alors la, je ne suis pas quelqu’un de très méthodique. Pour le scénario je pars souvent d’une première observation, d’une expérience que j’ai pu vivre dans le réel et j’y ajoute des histoires que l’on m’a racontées, de la documentation, et des histoires que je m’invente. Je passe souvent par des dessins d’observation ou non avant d’écrire le scénario. Mes idées viennent la plupart du temps en dessinant.

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  1. Si tu as un désir absolu dans ton métier, celui qui réalisé te permettrait de te dire que là tu as atteint un objectif essentiel, ce serait quoi?

    Éléonore Scardoni: Euh, je sais pas. Réussir à faire un récit qui tout en faisant voyager questionne et remet en question le lecteur sur leur mode ou cadre de vie actuel.

 


 

 

 

Pluie Acide : « une BD c’est comme un bon livre, si tu n’as personne pour la regarder ça sert à rien ! »

pluie-acide-portrait-dessine-garente-morganPluie Acide était de notre première revue en septembre 2014, il a inauguré la rubrique « jeunes auteurs » avec Sylvain, Alice et Antoine et dédicacé ces premiers 64_page à la Fête de la BD bruxeloise de septembre 2014, au côté de Vanna Vinci.

Depuis, il a fait la Pluie et le beau temps à Nice et publié une seconde histoire déjantée mais spatiale dans le #8 de 64_page (septembre 2016) et il a participé à nos deux expositions au Centre Belge de la Bande Dessinée.

  1. Qu'est-ce qui t'avais amené à venir faire tes études sur Bruxelles? Comment évalues-tu cette période de ta vie tant au point de vue études? Que les rencontres que tu y as faits? Et que penses-tu de Bruxelles?
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    L’évasion

    Pluie Acide : Je suis venu terminer mes études à Bruxelles il y a maintenant 3-4 ans après avoir fait 3 ans aux Beaux-arts de Clermont-Ferrand. Je n’ai pas du tout aimé ces années d’études où je ne dessinais presque jamais. Là-bas si tu fais du figuratif tu es vu comme quelqu’un à côté de la plaque, alors vous imaginé un type qui veut faire de la BD? On m’a clairement fait comprendre que je n’avais pas ma place aux Beaux-arts. C’était frustrant, surtout quand t’as 20-25 ans et que tu ne sais pas trop quoi faire de ta vie. Après 3 ans je suis venu à L’ERG. Comme je n’aime pas l’école en général j’ai arrêté au bout de quelques mois pour me consacrer qu’au dessin et à la BD (je ne suis pas forcément un exemple à suivre). Cela m’a permis de rencontrer Olivier Grenson qui était mon prof de BD, un type super attentif et gentil qui m’a ensuite proposé de dessiner pour 64-page. Quand à Bruxelles, mis à part le temps grisâtre, c’est une ville que j’aime, dynamique et plus enclin à la culture des Arts et du Dessins. 

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    Madame de l’espace

  1. Tu étais dans le tout premier numéro de 64_page, tu fais donc partie des pionniers. Tu as aussi participé à notre première dédicace avec la dessinatrice italienne Vanna Vinci (La Bambina Filosofica) et une autre jeune Alice Mortiaux. Tu es resté en contact puisque tu as participé au projet "Alice" avec le Focus-Vif et au #8 de 64_page, qu'est-ce que t'apporte ces expériences?

    Pluie Acide : C’est toujours agréable de voir ton travail publié parce que ça sous-entend que ce que tu as fais n’a pas totalement servi à rien. J’ai l’habitude de dire qu’une BD c’est comme un bon film ou un bon livre ou un album de musique, si tu n’as personne pour la regarder ça sert à rien. Comme tous objets culturels, c’est le spectateur et/ou l’auditeur qui fait vivre une œuvre à travers son regard et ça l’artiste ne doit jamais l’oublier. 

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  1. Tu as été publié un long récit dans la revue ???? (Le nom m'échappe, aide-moi!) de Johan Sfar, qu'est-ce que t'a apporté cette expérience? Et en général, que retires-tu de tes contacts, démarches, rencontres avec des auteurs confirmés? Et avec des éditeurs? Quelle est ton expérience de jeune auteur?

Pluie Acide : Il s’agissait de la revue Papier (n°6) tenue par Lewis Trondheim et Yannick Lejeune, Sfar y a publié une histoire mais il ne s’occupait pas de la revue. Le fait d’être publié dans cette revue m’a apporté un peu de joie puisqu’il s’agissait de ma toute première publication ainsi que le petit chèque qui va avec (c’était la première fois que j’étais payé pour un travail). J’ai d’ailleurs rencontré Lewis y’a pas longtemps lors de la fête de la BD de Bruxelles, je m’attendais à voir un petit bonhomme aigris et imbuvable (je dis ça parce que ça fait quelques années qu’on se parle par mail, je lui montre désespérément mes planches en espérant qu’il me publiera sur un album complet et que quand tu parles par écrit avec une personne que tu ne connais pas, tu te fais une fausse image de la personne en question), mais  il a était très cool et chaleureux, il m’a traité comme un ami finalement. Ce genre de rencontre c’est important et pas seulement avec les dinosaures comme Trondheim mais avec les gens qui font partie du monde de la BD en général… je veux dire, c’est un métier vraiment très difficile et discuter de tout ça et bien ça me permet d’exorciser certains démons parce que tout ces gens vivent ou on vécu ce genre de difficulté et je me dit: « ok, c’est normale d’avoir du mal à être publié, de pas gagner beaucoup d’argent, etc, etc… » et puis ça fait des copains et des copines qui partagent la même passion que toi, c’est important aussi de pas se sentir isoler. 

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  1. Tu reviens t'installer à Bruxelles, cela fait partie d'un projet éditorial? Comment vois-tu ton avenir immédiat?

    3Pluie Acide : Je reviens sur Bruxelles un certain temps pour m’occuper un peu de moi en fait. J’ai besoin de changer d’air et de rencontrer de nouvelles têtes… et qui sait? Il y aura des opportunités qui me seront données et peut-être qu’un éditeur Belge voudra de moi. Ha! Et puis les Bruxelloises sont plutôt mignonnes mais ça, c’est une autre histoire.


 

 

Jay Aël: « L’évidence, suivre ma passion avec rage et envie »

julie-helyn-autoportrait-jaDes couleurs vivantes, dynamiques, éclatantes, mieux qu’un texte d’introduction, un dessin de Jay Aël… 

Jay Aël a été publiée dans 64_page #6 (mars 2016) et est exposée au Centre Belge de la BD jusqu’au 23 octobre 2016. Grouillez-vous, il vous reste deux jours pour voir cette expo…

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Extrait du projet Cases chemins

  1. Expliques ton parcours? Comment le dessin s'est-il présenté à toi comme une évidence?
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Extrait projet Cases-chemins

Jay Aël : Pour faire original, j’ai toujours dessiné, et je pense avoir dit vouloir être dessinatrice dès que j’ai su parler. J’ai donc naturellement dès que possible obliqué vers des études secondaires artistiques à l’institut St-Luc de Bruxelles, que j’ai poursuivies par un baccalauréat en Bande Dessinée à l’ESA St-Luc, pour enfin peaufiner tout cela à l’académie des beaux-arts de Watermael-Boitsfort.L’évidence a donc été de simplement suivre ma passion, avec rage et envie.

  1. Tu as participé à Inktober, raconte-nous ce projet et ta participation?

Jay Aël : Cela faisait quelques mois qu’une phase « creuse » se faisait sentir dans ma production, j’ai donc décidé de relevé le défi « inktober » (réaliser un dessin à l’encre par jour et le poster sur les réseaux sociaux). Pour ne pas trop me disperser, j’ai choisi de nourrir deux projets, l’un encore à l’état de recherches, et l’autre presque au stade de « dossier pour éditeurs ». Par la même occasion, je m’attelle à trouver une façon d’encrer dynamique, qui serve à la fois la lisibilité et l’impact de la couleur.

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Projet: Cases-chemins 4

  1. Tu as proposé à 64_page (#6) une magnifique histoire muette en 7 pages couleurs dont les cases sont des petits tableaux. Chacune se suffit à elle même, tout en s'intégrant dans une narration précise... Ta technique est superbe. Comment imagines-tu tes projets? Quelles sont les étapes de la réalisation?

Jay Aël : Eh bien mes projets commencent souvent de la même manière : en écoutant de la musique. Un morceau de phrase, quelques notes, vont évoquer des images, qui vont parfois se combiner entre elles, ou donner l’un ou l’autre crobard dans un coin de carnet qui sera réutilisé des années plus tard… Dans le cas de « Paper Ring », c’est « solitary man » de Johnny Cash et « black valentine » de Caro Emerald qui m’ont inspirés (« paper ring » étant un bout de phrase de « solitary man »). Naturellement, chaque histoire tient sa part de vécu, que ce soit par son auteur ou par témoignage ; je tâche de mettre la juste quantité de vie dans mes récits afin de toucher la sensibilité des lecteurs tout en les faisant s’évader.

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Projet Cases-éternité 1

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Projet: Cases-éternité

  1. Tes projets? Si tu te projettes dans l'avenir, comment imagines-tu ta vie de dessinatrice?

Jay Aël : Hm, comment j’imagine ma vie de dessinatrice? Dans l’idéal, comme tout créateur j’espère un jour vivre de mes productions artistiques… Concrètement, j’ai un projet bientôt mûr pour le démarchage, et une kyrielle d’autres qui n’attendent que d’être approfondis. Ma vie de dessinatrice, je l’imagine partagée entre la création pure, les discussions avec famille et amis comme avis du public, et la réalisation de projets. Et les recommencements. Beaucoup de recommencements. Atteindre cet objectif est un rêve d’enfance, en train de se réaliser petit à petit.

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Recherches personnelles

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FJ Bubblenoise: « Je cherche à dessiner l’idée d’un objet plutôt que l’objet lui-même. »

francois-joseph-bubblenoiseFJ Bubblenoise est à la fois le nom d’auteur et celui de son personnage. Un personnage polymorphe qui change de rôle rien qu’en changeant de chapeau… Un dessin simple, expressif et efficace au service de gags d’un humour débridé, absurde ou poétique. Un auteur à découvrir de toute urgence. Ne serait-ce que pour sa recréation de Suske et Wiske (Bob et Bobette). FJ Bubblenoise a été publié dans le dossier Vampires de 64_page #3 (juin 2015) et exposé au Centre Belge de la BD en 2015 Dans l’expo « Noces de papier » de 64_page.

  1. Tu as créé un personnage très original, Mister Bubblenoise, qui se retrouve dans des aventures très différentes: Bubbleman, Monsieur Komix, l'agent 69 mais aussi Amélie Poppins, Clitoris ou Suskeu et Wiskeu... Comment est né ce personnage? Ses aventures sont autobiographiques?

FJ Bubblenoise: Monsieur Bubblenoise, tel qu’on le connait maintenant, est vraiment né fin 2013. Cela faisait un an, qu’après 16 années sans quasi toucher un crayon, je m’étais timidement remis à dessiner sous l’insistance de ma compagne, Amélie Poppins. J’ai fait une sorte de petit zine de 16 pages, qui s’appelait déjà « De Bric & De Broc » et qui est maintenant épuisé, dans lequel j’ai vraiment mis en place les personnages de Monsieur Bubblenoise, d’Amélie Poppins et de Clitoris…Parfois les histoires sont totalement autobiographiques, comme « La Première Fiancée de Monsieur Bubblenoise », mais d’autres moments c’est de la fiction pure. La plupart du temps, je pars d’une anecdote réelle autour de laquelle j’extrapole afin d’arriver à créer quelque chose d’humoristique…J’aime me moquer de mes personnages.

  1. Comment envisages-tu la suite des aventures de Bubblenoise? Et expliques-nous comment tu travailles, comment naissent ces aventures décapantes même déconnantes?
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FJ Bubblenoise et Amélie Poppins

FJ Bubblenoise: Je n’ai pas d’objectif particulier… Je veux avant tout dessiner pour le plaisir, sans contrainte. J’ai une idée, j’ai envie de faire ça, alors je le fais… Je dessine pour quelques fanzines uniquement lorsque le thème m’inspire. J’accorde énormément d’importance au dessin et à la couleur. Je cherche à avoir un dessin extrêmement épuré, le plus simple possible. Je cherche à dessiner l’idée d’un objet plutôt que l’objet lui-même. Suggérer plutôt que représenter. Et pour les couleurs c’est la même démarche. Je me limite dans ma palette de couleurs. Pour Monsieur Bubblenoise, comme je le disais, je  cherche à me moquer de moi-même à travers ce personnage, c’est ainsi que naissent les histoires de monsieur Bubblenoise… Je cherche aussi à me moquer (gentiment) de ma compagne, Amélie Poppins… mais là, je dois  faire attention… mais ça va, la plupart du temps elle apprécie et ça la fait rire…

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Le dessin aérien et précis de FJ Bubblenoise, quand la Ligne Claire se décoince…

  1. Tu t'es auto-publié, par soucis d'indépendance? As-tu couru les éditeurs traditionnels de la BD dites franco-belge? Si oui, qu'est-ce qu'ils disent de ta production humoristique?

FJ Bubblenoise: Oui, comme je le disais, je ne veux pas de contrainte. Je veux dessiner quand j’en ai envie et ce que j’ai envie. J’ai travaillé pendant plus de 10 ans pour des éditeurs traditionnels sous mon vrai nom, et je ne tiens pas à recommencer, surtout à l’heure actuelle. Donc non, Monsieur Bubblenoise ne cours pas les éditeurs traditionnels de BD dites franco-belge… Les éditeurs cherchent des auteurs « rentables » pas des types comme moi qui ne vont rien produire pendant un mois parce qu’il fait beau et qui trouvent plus agréable de se promener en Vespa que de rester enfermé dans leur atelier. J’ai un boulot « alimentaire » qui me permet de vivre et une passion qui me permet d’être heureux… que demander de  plus.

  1. Comment vois-tu la suite des aventures des Bubblenoise, l'auteur et son personnage?

FJ Bubblenoise: Alors mes projets pour le moment ne concerne pas vraiment Monsieur Bubblenoise mais plutôt Suskeu & Wiskeu. Bien que Suskeu ayant 3 poils au menton, on peut y voir une autre incarnation de Monsieur Bubblenoise. Je viens de réaliser  quelques « Belles Images de Suskeu & Wiskeu » sous le nom de Willy Bubblesteen en tirage (très) limité. Et je compte en réaliser d’autres dans les mois à venir. Bob et Bobette est « ma madeleine de Proust ».

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Les aventures déjantées de Suskeu & Wiskeu

dessin-4Mon grand-père possédait les premières éditions, celles qui alternaient pages bleues et pages brunes, ainsi que quelques tomes de la collection bleue du Lombard. C’est dans ces albums que j’ai appris à lire et plus particulièrement dans « Le Trésor de Beersel »… Avec Suskeu & Wiskeu, je me replonge dans cet univers mais avec un autre regard… un peu moqueur mais toujours avec beaucoup de tendresse pour ces personnages qui étaient mes amis d’enfance. Et en ce moment, c’est un scoop, je suis sur une histoire courte intitulée «  L’histoire tragique mais néanmoins vraie de Willy Bubblesteen » et que je destine à … 64_Page…enfin si la rédaction, au risque de perdre toute crédibilité auprès de la profession, ose publier un truc aussi absurde et débile. (hahaha … ! Wait and see comme on dit !

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Aux Éditions Mademoiselle Zoé, l’album De Bric et de Broc ou le Bric à Brac ordinaire de Monsieur Bubblenoise. sur commande, 10 € à l’adresse leseditidionsmademoisellezoe@gmail.com


 

Kristina Tzekova : « Je médite beaucoup. Cette pratique me positionne dans un état de contemplation pure »


000067Kristina Tzekova possède un beau regard intérieur sur la vie et ses choses. Choses de la vie qu’elle nous restitue dans des récits poétiques et vibrants. Kristina a été publiée deux fois par 64_page, dans nos numéros #3 (avril 2015) et #8 (septembre 2016). Kristina expose jusqu’au 23 octobre au Centre Belge de la BD dans le cadre de l’expo 64_page, la suite…

  1. Peux- tu nous expliquer ton parcours personnel et ce qui a déclenché ta vocation pour le dessin?

Kristina : J’ai le souvenir d’un moment précis à la maternelle. Je dessinais une maison rouge brique avec une forme de toit très étrange et des arbres. Je devais avoir 4 ans et je me sentais incroyablement bien. Les années qui ont suivis, je recopiais tout : Martine, Bambi, Winnie l’ourson, Mickey, Sailor Moon, Dragon Ball, les Simpsons…

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Kristina s’est découvert une vocation de dessinatrice en dessinant une vache au bord d’une rivière, pour 64_page elle nous a offert Sea Dance. Une splendide de biche dans les vagues;;; (in 64_page #8)

A 7 ans j’ai gagné un concours. J’avais dessiné une vache et autres animaux au bord d’une rivière. Quelle fierté! Ce sentiment s’est incrusté profondément en moi. Je voulais être « dessinatrice ».

  1. Tu utilises des supports minuscules, je pense à Sea dance, et tes dessins sont non seulement très réalistes mais très détaillés, d'où te viens ce talent de miniaturistes?

Kristina : En général, mon trait s’adapte à ce que je vois/ressens. Parfois il se fait très précis, et parfois il est plus brut, aérien, spontané. Cela dépend.

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La scène de cette biche qui s’amuse avec les vagues de la mer est tirée d’une vidéo d’internet. Je l’ai trouvée sublime. Pour retranscrire cette grâce, je me suis appliqué du mieux que je pouvais. Ca m’a pris des semaines. Ce fut même un travail méditatif car il me fallait être pleinement dans l’instant, ne surtout pas brusquer les choses pour éviter de m’impatienter. Comme cette biche qui profitait de chaque seconde.

  1. Il y a dans ta narration une réelle poésie, une respiration. Comment conçois-tu tes histoires? Explique-nous ton travail préparatoire...

Kristina : Je médite beaucoup. C’est une pratique qui, au quotidien, m’apprend à me positionner pleinement dans un état de contemplation pure. C’est aussi ce que cherche à dévoiler mon travail : ce mouvement intérieur qui ne s’explique pas avec les mots. Une femme qui se coiffe, qui se déshabille, qui penche la tête, un regard furtif, elle se met à pleurer, ou bien le mouvement des feuilles dans les arbres, une éclaircie. Ce sont des événements très banaux en soi. Mais c’est comme s’ils contenaient un bout d’éternité, quelque chose de souterrain qui reste quoi qu’il arrive. Le temps s’arrête, alors même qu’on le sent passer, subtilement, au fil des cases.

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Lorsque je dessine, je me place en tant qu’observatrice, simplement. A partir de cet état, les choses se révèlent d’elles-mêmes et je n’ai plus qu’à montrer, à mon tour, ce que j’ai découvert.

  1. Comment vois-tu ton avenir proche? As-tu des projets d'édition? Quel public aimerais-tu toucher?

Kristina : L’avenir n’est que le prolongement de ce que nous faisons dans l’instant! Alors je me vois toujours en train de dessiner.Internet est un outil fantastique. Je suis continuellement en lien avec d’autres artistes très inspirants, partout dans le monde. C’est motivant. Récemment Joost Swarte m’a invitée à participer à un tout nouveau projet de magazine « Scratches ». Je suis très impatiente de voir le résultat. Sea Dance y sera dévoilé dans son entièreté — 6 planches.

Pour le moment j’auto-édite mes livres et je participe à plusieurs festivals dans les mois à venir. J’ai aussi quelques collaborations intéressantes qui se profilent.

0002Le public que j’aimerais toucher est un public qui est prêt à s’arrêter un instant, à mettre le mental entre parenthèse et à simplement regarder.


 

Lison Ferné : « Les enfants adorent les histoires gores ! »

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  • Lison Ferné nous a déjà proposé deux histoires courtes pour les 64_page, Ice man dans le #3 et Barbe Bleue dans le #8. Le dessin expressif de Lison déroule des ambiances fascinantes à ses  récits sans parole. Lison expose jusqu’au 23 octobre 2016 au Centre Belge de la BD à Bruxelles. 
    Comme tous et toutes les dessinateurs/trices de BD, tu dessinais déjà dans ton berceau? Ou as-tu un parcours plus original? Raconte?

Lison : Oui, j’ai vraiment toujours adoré dessiner, c’est quelque chose de l’ordre d’un plaisir naturel pour moi.
Le dessin me permet de m’amuser, de me détendre mais, aussi, de m’exprimer.
Ce n’est pas vraiment original du coup, mais je voudrais répondre aux gens qui ont souvent dit autour de moi que le talent artistique est innée et ne s’apprend pas: je pense que c’est faux, si on aime faire du dessin, naturellement on progressera en dessin, comme si on aime faire de la musique, de la cuisine etc., on progressera dans ces domaines en s’y entraînant. C’est vraiment le goût pour la chose qui fait le talent de mon point de vue.

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Tu as terminé ton bachelor à l'erg, est-ce que ses études correspondaient à tes attendes? Quelles sont tes découvertes sur le monde des artistes et des créateurs?

Lison : J’ai terminé mon bachelor à l’ERG mais je suis en cours de master :).
Ce que je peux dire sur l’école, c’est qu’elle m’a beaucoup plu, car j’avais besoin  après une école parisienne très cadrée, de plus de libertés. Je pense qu’elle convient mieux aux personnes déjà autonomes, qui sont capables de travailler sans devoir être poussées par des profs pour obtenir une cote. En effet, on est vraiment souvent laissés seuls face à nos projets et il faut savoir se gérer. L’erg est une école ou il faut prendre soi-même des initiatives pour que les choses se passent. J’ai eu de la chance d’avoir de très bons profs d’atelier qui nous faisaient partager leurs « bons plans » (comme celui de 64 page* !) pour nous propulser dans la vie professionnelle, ça m’a beaucoup touché.
Je ne suis donc pas encore rentrée dans la vie professionnelle proprement dite, mais pour l’instant les aperçus que j’ai pu en avoir, comme les expos de 64 page au CBBD, ont l’air sympas.

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Tu as travaillé sur le conte Barbe Bleue. Tu peux nous expliquer ce qui t'a motivée et nous parler un peu de ce projet? La façon dont tu l'as abordé? Les recherches? Les essais?

Lison : Les contes de fées sont souvent la base de mes travaux. Ce sont des univers qui m’ont marqués enfant. Ils portent en eux beaucoup de notre société et quelque chose de fondamentalement humain et universel au point que c’est une matière inépuisable, je pense. Le conte de Barbe Bleue en particulier, est assez fascinant: imaginer qu’un univers si glauque et sombre puisse être raconté aux enfants depuis la nuit des temps !

D’ailleurs les enfants adorent les histoires gores.

Ce qui m’a intéressé en particulier dans ce conte, c’est la mise en garde sous-jacente des épouses vis-à-vis d’un potentiel mari violent. C’est un des rares contes populaires ou la violence masculine se dévoile dans toute sa réalité. Ces sujets de violence conjugale sont d’actualité à l’époque de Perrault aussi bien qu’aujourd’hui et c’est cela que j’ai voulu représenter.

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Au départ, je voulais représenter le conte de manière assez classique dans un univers moderne. Finalement je me suis arrêtée sur une image ou l’épouse réagit et tente de se défendre et de prendre le dessus sur Barbe Bleue. On peut appeler ça de l’auto-défense. Je voulais changer la fin du conte: que l’héroïne soit un des moteurs et actrice de son sauvetage. J’ai préféré laisser la fin en suspend pour que le lecteur puisse imaginer ce qui lui plait.

Comment envisages-tu la suite? Quels sont tes projets et comment les prépares-tu?

Lison : J’ai encore beaucoup d’histoires à raconter, même revenir sur certaines histoires et les retravailler, à la limite. Je travaille en ce moment sur un projet de gravure sur bois sur la thématique de la sorcière, et sur une bande-dessinée dans laquelle l’héroïne est une pirate. Il se peut que ces projets changent beaucoup de thème au cours de l’année, mais pour l’instant c’est ça !

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Pour la suite, j’espère réussir bientôt à publier un premier livre et commencer une carrière professionnelle.

  • Olivier Grenson est prof à l’ERG

 


 

Remedium: « Dessiner pour comprendre les maux du monde »

     autoportrait_remediumRemedium est un des jeunes auteurs publiés par 64_page, une première fois dans notre #4 et ensuite dans le #8. Á ce titre il a participé à nos deux expositions au Centre Belge de la BD. Son personnage de maire égocentrique et raciste a suscité la curiosité des meilleurs médias français.

Titi Gnangnan est ton personnage fétiche, il t'a fait connaître et t'a, enfin son incarnation dans la vraie vie un obscur maire LR, compliqué la vie. Peux-tu nous raconter sa naissance, ton inspiration et son avenir?
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© Remedium : Titi Gnangnan (2015)

Remedium: Titi Gnangnan s’est imposé à moi. Je faisais beaucoup d’autres choses auparavant et j’espère en faire beaucoup d’autres après. En 2014, un type obscur à l’égo surdimensionné et aux idées nauséabondes s’est fait élire à la mairie de ma ville. Ses deux premières mesures ont été de se débarrasser du camp de Roms qui bordait la ville et de poser un peu partout en photo, transformant les murs de la ville et les pages du journal municipal en galerie à sa gloire. J’ai voulu offrir un contrepoint à la propagande abjecte qu’il mettait en place. Ainsi est né Titi Gnangnan, le pendant dessiné de cet obscur maire. Beaucoup de gens, de la ville ou non, se reconnaissent dans ce projet qui dépeint avant tout un homme politique inculte, raciste et démagogue, comme on en connait tous. Et beaucoup encouragent le projet également parce que l’obscur maire s’est empressé de porter plainte en diffamation et de m’expulser, avec mon nouveau-né, du logement que j’occupais qui appartenait à la ville  …

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© Remedium : La poudre aux yeux (2016)

Tu as choisi d'être, pour paraphraser Léo Ferré, un dessinateur de variétés, tes BD sont dures et sans fard, ton style résolu, libre, précis, efficace... et très personnel. Pour toi la BD est un engagement. Dans cette époque où la BD est souvent assez légère, voire nombriliste, d'où vient ce désir de parler franc, d'être net, de porter un message sans concession?
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© Remedium : La troisième mort (2014)

Remedium: Chez moi, la création répond toujours au besoin cathartique de comprendre les maux du monde et les miens pour mieux vivre avec à défaut de les résoudre. Je dépeins le monde tel qu’il est et pas tel qu’il devrait être, ce qui chagrine beaucoup certains éditeurs, qui vivent souvent dans un déni de réalité. J’envisage la BD comme un sport de combat ; donner des coups et toucher juste. Pour faire simple, je n’arrive pas à trouver la force de créer quelque chose qui a déjà été fait ou qui ne sert à rien. Je laisse les BD nombrilistes aux autres, elles ne m’apportent rien en tant que lecteur et ne m’apporteraient rien en tant qu’auteur. Désireux de dépeindre une intimité non biographique, je m’assure, avant de proposer une BD aux lecteurs, qu’elle apporte, non pas une vérité péremptoire, mais une pierre à l’édifice de tel ou tel débat, en restant honnête et vrai.

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© Remedium : La troisième mort (2014)

Comment envisages-tu ton avenir proche? Et dans 10 ans?
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© Remedium : La maîtresse de maison (2016)

Remedium : J’ai toujours eu du mal à envisager mon avenir, même proche ; la vie tient à un fil si ténu qu’il m’est devenu difficile de tirer des plans trop ambitieux. J’espère réussir à arracher davantage de précieuses minutes à ce temps qui nous broie pour continuer le plus longtemps possible à m’investir dans des projets originaux, de ceux qui vous donnent le sentiment, pendant un très court instant, d’écrire un bout d’éternité.

Retrouvez Remedium sur www.lacitedesesclaves.org  

ou sur facebook.com/remedium.timoris



			

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